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pierre de la nouvelle Sorbonne, solennellement posée par M. Fortoul en 1855, attendait encore l’architecte.

Elle l’eût longtemps attendu encore sans doute si l’administration n’avait pris son parti d’une solution devant laquelle le précédent gouvernement avait toujours reculé. Le projet de loi présenté aux chambres coupe en deux la vieille métropole universitaire : d’un côté les facultés des lettres et de théologie, la bibliothèque et l’administration académique, de l’autre la faculté des sciences. Cette dernière serait transférée dans les terrains du Luxembourg, près l’École supérieure de pharmacie ; les autres services demeureraient installés dans les vieux bâtimens reconstruits et poussés jusqu’à la rue des Écoles. Cette héroïque mutilation pouvait-elle être évitée ? N’existait-il aucun moyen de respecter la vénérable association de nos trois facultés des lettres, des sciences et de théologie ? On doit le croire, mais il nous sera bien permis de le regretter. La maison de Richelieu ne parlait pas seulement à l’imagination avec ses murs noircis et son air rébarbatif ; ce n’était pas seulement un de ces monumens historiques demeurés debout, parmi les splendeurs disparues, comme un témoin des gloires passées ; c’était la plus haute expression matérielle de l’Université, c’était sa capitale. Sans doute on devait l’agrandir : elle était devenue complètement insuffisante ; mais il fallait se garder d’altérer son caractère et de lui enlever son unité. La création de grands centres universitaires est à l’ordre du jour, et c’est le moment qu’on choisirait, par une fâcheuse coïncidence, pour disséminer ce qui avait été jusqu’ici réuni, pour détruire le centre par excellence, le premier et le plus ancien de tous ! Les chambres voudront sans doute, avant de prononcer un pareil divorce, s’assurer qu’il n’existe pas de solution plus pratique et moins radicale[1]. L’Université de Paris leur saurait gré de respecter son berceau.

Quand les travaux qu’on vient d’énumérer seront terminés, le Paris universitaire n’aura plus rien à envier, sous le rapport matériel, aux grandes capitales intellectuelles de l’Europe. Il ira de pair avec Oxford et Berlin. Mais il s’en faudra singulièrement encore que l’outillage de nos facultés de province soit à la hauteur des établissemens similaires de l’étranger. Cependant là aussi de sérieux efforts ont été faits dans ces dernières années. Les villes, entraînées par le mouvement général, ont montré pour toutes les branches de l’instruction publique un zèle et une bonne volonté que le précédent gouvernement n’avait pas rencontrés au même degré chez elles. Marseille, Bordeaux, Caen, Lyon, Douai, Grenoble, pour

  1. Pourquoi, par exemple, maintenir à la Sorbonne l’administration académique et l’appartement du recteur, qui prennent une place considérable, et qui seraient tout aussi bien placés ailleurs ?