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car les concessions qu’il avait dû faire étaient légères, mais il avait sali sa victoire par des actes arbitraires et l’emploi d’une violence sans exemple à l’égard du clergé. Maître, par cette sorte de coup d’état, des affaires ecclésiastiques, il poursuivit sans obstacle, pendant quelques mois, son projet de tirer de l’église toutes les ressources dont le gouvernement avait besoin. Il introduisit à son gré des changemens dans le département des décimes ; il s’appropria des deniers versés à la recette générale ; il communiqua au conseil du roi les comptes dont le clergé entendait garder le secret. Loin d’arrêter la recherche des amortissemens, il la fit poursuivre, comme si l’impôt destiné à les remplacer n’avait point été voté. Il étendit la contribution du huitième denier mise sur les aliénations. Il disposa, en un mot, du budget du clergé et grossit ainsi, outre mesure, le chapitre des frais communs. Les députés étaient impuissans à empêcher ces envahissemens. L’assemblée pas plus que l’église n’avait ni sergens ni exempts pour faire respecter ses décisions et défendre par la force ses immunités. Elle devait s’en remettre au bras séculier, et ce bras était précisément celui qui le frappait. Les députés s’en retournèrent dans leurs provinces aigris et humiliés : ils pouvaient penser à organiser une résistance passive et, en échauffant le zèle religieux des populations, opposer la sédition à l’arbitraire ; mais Richelieu avait fait dire aux évêques expulsés de Mantes qu’ils répondaient sur leur tête des émotions qui viendraient à se produire dans leurs diocèses. Toutefois, si les âmes pieuses témoignaient aux prélats, aux ecclésiastiques si durement traités, de la compassion, si quelques hommes indépendans louaient la fermeté qu’avaient montrée plusieurs évêques, le gros de la nation demeurait indifférent à des mesures qui ne l’atteignaient pas, le clergé s’étant toujours regardé comme formant un corps à part. Il arrivait que ceux qui faisaient alors le plus d’opposition au gouvernement du cardinal s’appuyaient sur le saint-siège et demandaient à des brefs la protection que leur refusait la couronne ; or la curie romaine était après tout une cour étrangère, et les partis qui ont fait appel à l’étranger, en France, se sont promptement aliéné les sympathies de la nation. La résistance aux ordres de Richelieu ne trouva donc pas d’écho dans la bourgeoisie, qui souffrait moins que les deux autres ordres du despotisme du cardinal et qui achetait volontiers, au prix de ses franchises municipales, une administration meilleure et une prospérité intérieure dont elle avait sa part. Le clergé dut se résigner et attendre que ce régime, qui ne supportait pas de contradicteurs, pût finir avec l’homme qui en était l’âme. Il n’attendit pas longtemps. Les jours du ministre étaient comptés, et la