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délai en leur diocèse. Comme les deux archevêques et les quatre évêques étaient là présens, d’Émery leur intima l’ordre de quitter sur-le-champ la salle. Montchal ayant déclaré qu’il se conformerait à la décision que l’assemblée jugerait à propos de prendre, le commissaire repartit qu’il ne s’agissait pas d’une décision à prendre, mais d’un ordre du roi à exécuter, et, descendant du siège élevé où on l’avait fait asseoir selon l’usage, il alla se poster à la porte de la salle et exigea que les députés dissidens sortissent devant lui. Puis, cette expulsion opérée, il se retira en assurant l’assemblée des bonnes dispositions du roi à son égard. Un tel traitement infligé à d’éminens prélats remplit de douleur et de confusion toute l’assistance, qui se sentait profondément atteinte dans sa dignité. Richelieu ne permit même pas aux évêques si brutalement chassés de s’arrêter quelques instans à Paris pour mettre en règle leurs propres affaires ; défense leur fut faite de passer par cette ville. Vainement l’assemblée décida d’envoyer au roi une députation afin de le prier de révoquer l’ordre qu’il avait donné et d’autoriser les six évêques à revenir prendre leur place aux séances. Louis XIII se trouvait alors à Abbeville, où la petite ambassade dut l’aller joindre. L’évêque d’Auxerre avait eu soin de s’en faire nommer avec celui de Chartres, et, de concert avec Richelieu, ils firent manquer la démarche. Le roi ne voulut rien entendre, comme l’avaient bien pressenti les prélats expulsés, car ils avaient déjà pris le chemin de leur diocèse. On n’épargna à ceux-ci aucune avanie, et le cardinal de Retz, rappelant dans ses Mémoires cette triste affaire, écrit : « M. le cardinal de Richelieu avait donné une atteinte cruelle à la dignité et à la liberté du clergé dans l’assemblée de Mantes, où il avait exilé, avec des circonstances atroces, six de ses prélats les plus considérables. » L’assemblée dut achever sa session étant ainsi mutilée, elle procéda au département des sommes votées, et ceux qui étaient dévoués au cardinal n’eurent plus à redouter l’opposition de ses adversaires sur diverses questions que soulevait cette répartition. L’évêque de Chartres, dont rien ne balançait plus l’influence, fit régler les décharges et les rémunérations pécuniaires à sa guise. Les députés qui avaient le mieux servi Richelieu ne manquèrent pas d’obtenir des gratifications. L’assemblée statua sur diverses contestations qui touchaient aux prérogatives de l’église, et pour le règlement desquelles le ministre, satisfait de ce qu’il avait obtenu, n’entreprit pas de contrecarrer les prétentions ecclésiastiques. De ce nombre était la surveillance des petites écoles que les évêques diocésains entendaient s’attribuer exclusivement et que leur disputaient les présidiaux.

L’assemblée se sépara. Richelieu avait eu en somme le dessus,