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huitième denier et la réduction des gages des officiers. Ce langage provoqua les protestations des députés ; ils se plaignirent hautement qu’on les voulût violenter, qu’on les traitât comme un bureau d’élus, c’est-à-dire de répartiteurs chargés simplement de faire le département des sommes que le conseil d’état avait imposées ; et dans leur colère ils déclarèrent qu’ils n’accorderaient rien au delà des 4 millions votés. Richelieu eut beau continuer son système de pression, user tour à tour de douceur et de menaces, les députés ne sortirent pas de leur non possumus. Pour ne pas rester sous le coup d’un échec, la couronne n’avait plus qu’à recourir à la force ouverte, elle ne l’osa pas ; elle préféra temporiser et elle finit par faire savoir qu’elle réduisait de 500,000 livres la somme réclamée en plus des 4 millions. Toutefois, elle ne voulait consentir à cette réduction qu’à la condition que les députés accepteraient divers arrangemens qu’elle indiquait et qui avaient été imaginés pour rendre la réduction illusoire ; en sorte qu’elle aurait repris d’une main autant, plus même qu’elle abandonnait de l’autre. Le moyen consistait à adopter comme évaluation du produit du huitième denier un chiffre fort inférieur à celui que cet impôt promettait de rapporter, et à réduire notablement la somme que le clergé était autorisé à retenir pour frais de recouvremens, en mettant en outre à sa charge les non-valeurs. Les députés s’aperçurent du piège qu’on leur tendait et reçurent assez mal ces nouvelles propositions. Pour couper court aux objections qu’ils prévoyaient, les commissaires royaux cherchèrent à enlever rapidement le vote et ils demandèrent qu’on délibérât sur-le-champ. Il y avait plusieurs jours que Richelieu préparait tout pour s’assurer la victoire. Aux uns, il avait promis les faveurs qu’ils sollicitaient, aux autres il avait arraché, en les intimidant, des engagemens par écrit. La délibération s’ouvrit le 15 mai. Un émissaire du cardinal se tenait dans une pièce contiguë au local des séances et de là il manœuvrait pour rallier sa majorité. Richelieu redoutait surtout l’influence de l’archevêque de Toulouse, l’éloquent Montchal, et au moment où celui-ci se disposait à prendre la parole, l’émissaire le manda par un billet ; il fit près du prélat toutes les instances imaginables pour lui arracher l’engagement d’opiner en faveur des propositions de la couronne. Montchal fut inflexible, et tout ce que l’agent du cardinal put tirer de lui fut la promesse de se prononcer absolument soit pour, soit contre ces propositions et de ne point présenter d’amendement. Montchal rentra dans la salle et, comme c’était précisément sa province qui était ce jour-là la prérogative, il opina le premier et se déclara nettement contre la demande du roi. Cette demande se réduisait à une somme de 700,000 livres, parce que l’évaluation faite de ce que devaient rapporter le huitième denier et la réduction