Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/551

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

formulées les doléances. On devait y inscrire en première ligne la demande d’exemption, tant au présent qu’à l’avenir, du ban et de l’arrière-ban, pour tous les bénéficiers, quelle que fût la durée de la guerre, la révocation de deux déclarations royales, portant que les ecclésiastiques non nobles seraient taxés à raison des domaines par eux possédés en fief ou en roture, qu’ils leur fussent échus par succession, donation ou autrement. La délibération sur le subside ne fut reprise que les cahiers achevés. Si l’assemblée repoussait la demande dans les termes où elle était libellée, elle reconnut cependant qu’il lui était impossible d’échapper à une subvention plus considérable que de coutume. Ne sachant par quel autre moyen la fournir, la majorité se rallia à l’impôt du tiers du revenu, parce que cet impôt paraissait devoir moins charger le clergé que le paiement direct des 6 millions, et j’ai dit que c’était précisément là le motif qui le faisait peu goûter par Richelieu. Dans sa conférence avec les évêques, le cardinal, tout en protestant de l’égal dévoûment qu’il avait pour le roi et pour les privilèges d’un ordre dont il était membre, avait songé bien plus aux intérêts du premier qu’à ceux du second ; il avait représenté aux prélats que l’impôt du tiers entraînerait trop de frais et de non-valeurs et né satisferait ni l’une ni l’autre des parties. Cette insistance n’avait fait que fortifier les évêques dans leur préférence pour le moyen que Richelieu condamnait. L’assemblée devait au reste d’autant plus pencher pour l’impôt du tiers que bon nombre de procurations prescrivaient aux députés de le voter, plutôt que la subvention directe de 6 millions. La discussion fut animée ; l’archevêque de Sens y prit la parole et déplora qu’on se vît réduit à ne choisir qu’entre deux moyens, presque également onéreux. Il remontra l’oubli qu’on faisait des droits du sacerdoce et rappela l’exemption de l’impôt dont auraient dû jouir les ministres de Dieu. « L’usage ancien de l’église, dit-il, pendant sa vigueur, était que le peuple contribuât par ses biens, la noblesse par son sang et le clergé par ses prières, aux nécessités de l’état et aux occasions de la guerre, et c’est une chose étrange de voir que maintenant on ne demande plus de prières au clergé, qui, selon l’Écriture sacrée, sont le propre et unique tribut qu’on doit exiger des prêtres ; mais on veut extorquer la part que Dieu s’est réservée pour la sustentation de ses ministres, afin qu’ils puissent sans distraction vaquer à son service et intercéder pour les peuples. » Malgré les intentions d’abord manifestées par la majorité, l’impôt du tiers fut rejeté, tant les affidés de Richelieu avaient manœuvré. Mais quand il fut question d’approuver le procès-verbal de la résolution prise, Bellegarde, et son collègue à la présidence, Montchal, archevêque de Toulouse, soutinrent que