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satisfait du choix à lui laissé par l’édit. Il trouvait, de plus, mauvais que le gouvernement maintint les exemptions qui avaient été blâmées pour l’édit des amortissemens. Il y voyait la preuve que tout avait été manigancé par le cardinal, qui cherchait par ces exceptions à introduire la division dans le clergé, à mettre en opposition d’intérêts le clergé séculier et les jésuites, pour lesquels il avait toujours eu beaucoup de ménagemens.

Les dispositions étaient donc, dans l’église, peu favorables aux demandes du roi, quand l’assemblée fut convoquée au 15 février 1641. Les élections ne répondirent pas partout aux désirs de Richelieu. Malgré la pression qu’il exerçait sur les assemblées provinciales, plusieurs de ses candidats furent repoussés, et l’un de ses hommes de confiance, Léonor d’Estampes, évêque de Chartres, ne réussit pas à se faire élire. Cet échec détermina le cardinal à choisir pour lieu de la réunion de l’assemblée Mantes, ville qui faisait alors partie du diocèse de Chartres. De la sorte l’évêque de cette dernière ville put avoir, à titre d’évêque diocésain, entrée aux séances et se mêler aux délibérations. Elles ne s’ouvrirent que le 23 février. Les évêques arrivés à la date primitivement assignée avaient tenu une conférence à Paris. Ils s’étaient empressés d’aller rendre leurs hommages au cardinal, dont ils avaient reçu un accueil bienveillant. Richelieu, qui voulait les gagner, s’était montré pour eux plein de prévenances, faisant luire à leurs yeux promotions, charges et faveurs ; mais les prélats se tenaient sur la réserve. L’évêque de Chartres n’avait pas leurs sympathies. Ils lui reprochaient ses intrigues dans les élections et son avidité. On le représentait comme ayant tout fait pour empêcher qu’on députât à l’assemblée des archevêques afin de s’assurer, s’il était élu, la présidence. Richelieu connaissait les sentimens des prélats à l’égard de Léonor d’Estampes ; il eut soin de leur promettre que cet évêque ne paraîtrait pas aux séances. Il supposait que bon nombre de ces prélats, gens du monde et hommes de plaisir, seraient flattés d’être invités aux fêtes brillantes qu’il donnait plus à la façon d’un prince profane que d’un prince de l’église. Il les fit assister à l’un de ses divertissemens favoris, à un grand ballet intitulé l’Histoire de Bouquinquant, et qui s’exécuta au Palais-Royal. « L’appareil, écrit Montchal, fut si magnifique qu’on l’estima des sommes immenses, et il fut dit que le cardinal, ayant voulu que les prélats fussent invités par les agens, entendait qu’elle fût jouée aux dépens du clergé. L’évêque de Chartres y parut rangeant les sièges, donnant les places aux dames, et finalement se présenta sur le théâtre à la tête de vingt-quatre pages qui portaient la collation, lui étant vêtu de velours, en habit court, disant à ses amis, qui trouvaient à redire à cette action, qu’il faisait toutes sortes de métiers pour vivre. » Les prélats quittèrent