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en France. Richelieu songeait en effet à faire instituer pour lui une dignité qui l’eût rendu presque indépendant du saint-siège. Montchal, dans son curieux Journal de l’assemblée de Mantes, rapporte là-dessus des faits qui paraissent concluans, quoiqu’il faille tenir compte chez l’archevêque de Toulouse de l’hostilité dont il était animé envers le cardinal. Si l’on ne peut contester sans injustice les services considérables que Richelieu a rendus à son pays, l’on doit cependant reconnaître qu’il n’oubliait jamais ses intérêts particuliers. Tout en travaillant à la grandeur de la France, il se préoccupait fort de sa propre grandeur et de la fortune de sa famille. Il fit servir sa dignité de prince de l’église plus à ses vues d’ambition qu’au bien de celle-ci. Comme il en connaissait l’esprit envahissant, il ne négligea rien pour la tenir dans sa dépendance, et cette préoccupation lui dicta sa politique à l’égard des assemblées du clergé, politique où il servait ses intérêts et ceux de l’état.

Il porta dans ses rapports avec elles ses habitudes de dissimulation, et, selon sa façon d’agir avec ceux qu’il voulait assujettir, il cherchait à les gagner avant de recourir à des coups d’autorité. Prompt à se débarrasser de ceux qui ne pouvaient plus lui être utiles, il faisait dans ses relations preuve de plus d’habileté que de grandeur d’âme. C’est ainsi qu’il nous apparaît dès le début de sa carrière politique. Richelieu se retrouve le même dans ses rapports avec les dernières assemblées ; il y joua le plus ordinairement un double jeu, sacrifiant fréquemment ceux qu’il avait d’abord entourés de ses prévenances. Montchal rapporte dans son journal qu’il en avait ainsi usé envers le marquis de La Vieuville, surintendant des finances ; il lui avait juré amitié, lui promettant de n’aller jamais sur ses brisées. Confiant dans cet engagement, le marquis le servit activement près de Louis XIII ; mais, loin de reconnaître ses bons offices, Richelieu, qui avait dû bien vite s’apercevoir du peu de valeur et du caractère inconsidéré de La Vieuville, le desservit tant qu’il put et le fit attaquer en dessous main par un certain écrivain du nom de Faucon, qui l’avoua dans la suite. Il mit pareillement tout en œuvre avec ses procédés peu scrupuleux pour abaisser les assemblées du clergé, dont les velléités d’indépendance traversaient ses visées. Il fut en cela secondé par les parlemens, alarmés des prétentions d’un corps qui était toujours prêt à revenir sur ses concessions parce qu’elles ne le lient jamais à ses yeux. Richelieu n’avait plus à craindre après la prise de La Rochelle et le traité de Nîmes de résistance de la part des protestans ; il se préoccupa de parer au danger qui pouvait naître du côté de leur plus implacable adversaire, le clergé. Or il ne pouvait réussir à le mettre complètement dans sa dépendance sans être muni d’une délégation de pouvoirs, au moins apparente, du saint-siège. Il eut d’abord l’idée de se faire