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n’entendait pas placer les immunités de l’église au-dessus des intérêts de l’état ; ses principes comme ministre n’étaient plus ceux qu’il avait soutenus étant député aux états-généraux de 1614, alors qu’il disait : « N’est-ce pas une honte d’exiger des personnes consacrées au vrai Dieu ce que les païens n’ont jamais désiré de ceux qui étaient dédiés à leurs idoles ! » Placé à la tête de l’état, il pensait que le clergé, en possession de tant de bénéfices, devait porter sa part des charges publiques et payer aussi des impôts. Malgré la puissance dont il disposait, il ne réussit pas à assujettir le clergé à la condition des autres ordres ; il rencontra toujours dans les assemblées une résistance, qui devint plus manifeste à la fin du règne. La preuve de cette opposition constante du clergé aux vues du cardinal nous est fournie par ce qui se passa aux assemblées de 1623 et de 1625. Dans cette dernière, Richelieu compta plus d’un rude contradicteur ; il eut à lutter contre les cardinaux de La Valette et de Sourdis, il lui fallut surmonter bien des obstacles pour remporter la victoire. Louis XIII, conduit par son ministre, ne parvint à se débarrasser des réclamations du clergé que par des promesses qu’il n’avait pas l’intention de tenir et à la réalisation desquelles il eut soin de n’assigner aucune époque précise. Le clergé veillait à ne point laisser entamer ses immunités, mais il finissait par concéder les subsides, sans cependant donner toujours autant qu’on lui demandait. Il fallut lui arracher en quelque sorte écu par écu. Ce n’est pas que le clergé se refusât en principe à aider l’état, mais il tenait serrés les cordons de sa bourse et il ne les déliait avec empressement que lorsqu’il s’agissait de se rendre maître des boulevards du protestantisme, de Montauban et de La Rochelle. Louis XIII se mettait d’ailleurs en garde contre des velléités de refus ; il tint à avoir les assemblées du clergé toujours assez voisines de sa résidence pour pouvoir exercer sur elles une pression. Durant ses campagnes, il leur ordonna plusieurs fois de se transporter loin de Paris et d’aller établir leur siège dans des localités à proximité des lieux où il campait. C’est ainsi que l’assemblée de 1621 dut, de Paris, se rendre à Poitiers, puis de Poitiers à Bordeaux ; que l’assemblée de 1628 eut ordre de quitter Poitiers pour se rendre à Fontenay-le-Comte : elle ne put étouffer les réclamations d’un grand nombre de députés qui n’obéirent que malgré eux à l’injonction royale. En ces temps-là, on ne demandait guère aux mandataires du clergé que de l’argent ; on ne les laissait pas traiter les grandes affaires de l’église, agiter des questions où leur intervention eût gêné l’exercice de l’autorité royale. Les députés, tout en se mettant en défense contre un ministre qu’ils redoutaient, demeuraient pour lui pleins de condescendance et ne négligeaient aucun moyen de capter sa