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II

Le règne d’Henri IV s’acheva sans que la représentation ecclésiastique eût créé à la couronne de nouvelles difficultés et soulevé des contestations dangereuses entre l’église et l’état. Tout se borna aux réclamations particulières qui accompagnaient inévitablement le vote des décimes et la vérification des comptes. Au commencement du règne de Louis XIII, ce ne fut pas dans l’assemblée spéciale du clergé, mais aux états-généraux du royaume que l’ordre ecclésiastique aborda les plus graves des questions qui tenaient aux rapports de l’autorité spirituelle et de l’autorité laïque. M. G. Picot a exposé dans son excellente Histoire des états-généraux ce que fit le clergé aux états de 1614. Dans cette assemblée, qui devait d’abord se tenir à Sens et que le gouvernement de Marie de Médicis appela à Paris dès qu’il eut l’assurance que la majorité était acquise au parti de la cour, le corps ecclésiastique joua un rôle très important. Il prit au début une attitude sage et vraiment patriotique, conduit qu’il était par des prélats éminens et habiles, les cardinaux de Joyeuse, du Perron, de Sourdis, de La Rochefoucauld. Comptant dans ses rangs des hommes tels que l’éloquent évêque de Belley, Camus, l’ami de saint François de Sales, et ce jeune évêque de Luçon dont les talens attiraient déjà l’attention, le clergé se posa en médiateur entre la noblesse et le tiers-état, animés l’un envers l’autre de sentimens fort hostiles ; il s’efforça de rapprocher par la communauté de vœux les députés respectifs de ces deux ordres ; il proposa qu’avant de procéder à la rédaction des cahiers, on dressât des articles généraux sur les doléances communes à tous les représentans de la nation, ce qui donnerait plus de force à leurs remontrances et en assurerait les effets, la couronne ne pouvant guère se refuser à faire droit à ce qui serait l’expression des sentimens du pays entier. Malheureusement le tiers, qui apportait dans l’assemblée contre les ordres privilégiés une défiance bien concevable, qui était humilié de la place à lui faite, de la distance maintenue entre ses mandataires et ceux du clergé et de la noblesse, qui voyait par exemple son orateur obligé de parler à genoux devant le roi, quand les orateurs des deux autres ordres parlaient debout, fit difficulté pour souscrire à cette sage proposition. Après une séance tumultueuse que ne parvint point à dominer son président Robert Miron, frère du prévôt des marchands François Miron, la chambre du tiers se sépara sans s’être arrêtée à aucune résolution. Le roi ou plutôt la reine mère, qui gouvernait en son nom, se hâta d’interdire aux députés la rédaction de ces articles généraux qui menaçaient d’être fort gênans pour la couronne. Tandis que le