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de frimas, et que les pommiers et autres arbres se couvrent de fleurs. M. Mannhardt rapporte cette invocation qu’on fait aux arbres :

Freje ju Büme,
Nûjar is kömen !
Dit Jar no Kâre vull,
Up et Jar en Wagen vull.


L’arbre de Noël, si populaire dans les pays germaniques, est, avec les bougies dont il est couvert, le représentant du monde végétal dont la sève sort de son engourdissement, grâce à la renaissance du soleil. Chez les Latins, l’arbre de mai a le même sens. Mais leur « bûche de Noël » est une trace des coutumes qui subsistent entières chez les Allemands, les Scandinaves, les Anglo-Celtes. En Italie comme en France, la plus grosse bûche (ceppo) est réservée pour cette fête, et même en Toscane la fête a pris le nom de Ceppo. Les habitudes des Serbes expliquent l’origine de cet usage. Quand un visiteur entre dans la maison, il frappe le chêne embrasé avec un morceau de fer en disant : « Autant d’étincelles, autant de bœufs, de chevaux, de chèvres, de brebis, de porcs, de ruches ! » On porte dans le verger le reste du tronc, auquel on attribue une vertu fécondante. Le bois, dont on a dit avec raison « qu’il est du soleil emmagasiné, » représente la puissance de l’astre qui lui communique la flamme, qui par sa renaissance va rendre la vie à notre globe.

M. Mannhardt a montré l’immense développement des croyances relatives au mois de mai chez les Allemands. Là des usages et des croyances qui ailleurs se rapportent à la Fête-Dieu ou à la Saint-Jean ne se séparent pas de la solennité de mai. La pensée est au fond la même : le triomphe de la vie et de la lumière sur les ténèbres, que représente, à Florence, cette Befana, mise en fuite, à l’Epiphanie, quand les jours commencent à croître, par les sons criards des trompettes<de verre. Dans le culte, la foule comprend tout-ce qui se rattache, à l’éternelle passion soufferte par la nature, passion que terminent la résurrection et la victoire momentanée du soleil sur la nuit des hivers, victoire symbolisée en Toscane par le calendimaggio[1], éphèbe armé du thyrse. Les révolutions ont beau se succéder, les « religions de la nature, » comme l’idéalisme des théologiens les nomme avec quelque dédain, ont de trop profondes racines pour céder aisément leur vieux et solide domaine. Elles se résignent au besoin à d’innombrables concessions dans les formes, mais elles gardent leur empire sur l’imagination et le cœur de l’humanité.

  1. Les Kalendœ maii.