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propriétés. L’herbe de la Madone, qu’on cueille à Sarego (Vénétie), le jour de l’Assomption, guérit de beaucoup de maux. Il en était de même, chez les Athéniens, du parthénion ; que Pallas montra à Périclès en songe pour la guérison d’un ouvrier qui s’était blessé en travaillant aux Propylées. A Bellune, les Vénitiens appellent herbe de Sainte-Marie cette matricaria parthenium qu’on nommait, à Athènes, « herbe de la Vierge. » En Toscane, l’herbe de la Madone a le don de prophétie. Cette herbe est, dans cette province, une petite pariétaire qu’on prend sur les murs le jour de l’Ascension et qu’on a soin de conserver jusqu’à la Nativité de la Vierge. Comme elle a habituellement assez de sève pour s’épanouir dans les maisons, elle passe pour miraculeuse. Mais, si elle se dessèche au lieu de fleurir, on en tire un mauvais présage. Bauhin[1] a recueilli les noms d’un grand nombre de plantes qui portent le nom de Marie, de Notre-Dame, etc. Telles sont, en France, la Marie-Bregne (le polypode vulgaire), née de son lait ; en Allemagne, le Mariendistel (espèce de chardon) ; en Espagne, la Mante de Nuestra Señora, etc. Nork, dans sa Mythologie der Volkssagen, nous apprend que, dans les pays Scandinaves, on donne le nom de Mariengrass : (herbe de Marie) à diverses fougères, et que Marie est souvent substituée à la Freya du panthéon germanique. De cette façon, on attribue à des herbes qui portent son nom des propriétés qui s’accordent médiocrement avec son caractère.

L’époux de la Vierge, saint Joseph, type de continence comme le patriarche du même nom, est pour cette raison représenté avec un lis. Le même motif lui a fait consacrer en Romaine une campanule blanche, le bastunzein d’ San Iusef, plante vénérée à Bologne, dit Mme Coronedi-Berti. En Toscane, Méandre, aux fleurs éclatantes, porte le nom de mazza di san Giuseppe, parce que, lorsque le saint apprit d’un ange qu’il était choisi par le ciel pour épouser Marie, il fut si joyeux de cet honneur que son bâton fleurit dans ses mains.

Les propriétés si différentes de la concordia et de la discordia, les luttes dont on parle plus d’une fois quand il s’agit de cueillir les herbes de la Saint-Jean, l’emploi qu’on fait de ces herbes et de celles de la Madone contre les esprits du mal, donnent une idée du dualisme qui existe parmi les plantes et font songer à la guerre des deux principes dont nous par le la religion des Perses.

Les puritains du paganisme ont, dès la plus haute antiquité, fait une ardente opposition à la théologie brahmanique. Que le mazdéisme soit dualiste ou monothéiste dans son point de départ, — la seconde hypothèse semble la plus vraisemblable, — il est évident que les

  1. Bauhin, De plantis a divis sanctisve nomen habentibus (Bâle, 1590).