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suspendus, et contribuent à rendre encore plus fétide l’atmosphère viciée que respirent ces pauvres gens. Telle est la vie en hiver. En été, les émanations des marécages et des paissons en putréfaction ne placent pas les Kalmonks de Vetlianka dans de meilleures conditions. Ces faits sont importans à connaître : ils expliquent malheureusement trop bien l’extension rapide et l’aggravation de l’épidémie chez ces peuplades.

La mortalité a été vraiment effrayante. Au mois de décembre, sur 100 malades il y avait 95 morts. À Prichiba, sur 850 habitans, 520 sont morts en quinze jours. A Vetlianka, sur 7,000 habitans il y avait à la fin de janvier 400 morts. Depuis cette époque, le cordon sanitaire établi entre la stanitza de Vetlianka et le reste de la Russie a empêché les révélations de s’étendre, et nous en sommes réduits à ce que le gouvernement russe veut bien nous faire savoir.

Cette épidémie est-elle la peste ou le typhus ? Telle est la question qui s’est posée dès le début aux médecins russes et qu’il importe de résoudre. M. Doppner et les médecins militaires russes ont supposé qu’un détachement de cosaques revenant du Caucase avait apporté le typhus à Vetlianka. Jusqu’à un certain point, l’étude des symptômes de l’épidémie permet de faire cette supposition. Les malades atteints du typhus sont pris d’abord d’une grande faiblesse, de douleurs de tête violentes, de vomissemens, de diarrhée ; le corps se marbre de petites taches rouges, sanguinolentes, il y a des hémorragies qui se font partout, à toutes les surfaces de la peau et des muqueuses ; puis le sang apparaît dans toutes les sécrétions, la température s’élève, les forces diminuent de plus en plus, et à la fin les malades sont dans un état de prostration telle que tout mouvement, tout effort intellectuel, est devenu impossible jusqu’au moment de la mort.

Tels sont aussi les symptômes de l’épidémie de Vetlianka ; mais il en est un autre, tout particulier et qui semble nettement indiquer qu’il ne s’agit pas du typhus, mais bien de la peste. Non-seulement de petites taches rouges apparaissent à la surface de la peau, mais de grandes traînées rougeâtres se développent rapidement, formant une large tache noire, une sorte de plaque gangreneuse, au-dessous de laquelle s’amasse un liquide purulent. Voilà des caractères qui distinguent bien l’épidémie de Vetlianka du typhus. Il est un autre symptôme plus significatif encore. Les glandes lymphatiques de l’aine et de l’aisselle se gonflent, deviennent extrêmement douloureuses. Le pus s’accumule dans cette tumeur, la peau s’ulcère, et le malade meurt rapidement, épuisé par cette suppuration et cette désorganisation complète du sang. Aussi la plupart des médecins allemands et français, et même les médecins russes n’ayant pas une situation officielle qui commande l’optimisme, n’ont-ils pas hésité à déclarer que le fléau qui ravage actuellement les bords du Volga n’est pas le typhus, ni même le