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rapides, aussi merveilleux que jusqu’à présent, parce que la vapeur et l’électricité sont des choses acquises, elles ont produit leurs grands effets sociaux, elles ne peuvent plus fournir que des perfectionnemens de détail. Est-il permis de compter pour l’industrie sur une nouvelle aubaine semblable ? Nous nous sommes avancés depuis quelque temps par sauts et par bonds, contrairement à toutes les traditions de l’expérience ; nous suivrons maintenant le mouvement ordinaire, lent et successif des affaires humaines. L’immigration dans les villes devra donc très sensiblement se ralentir. La nature des choses y pourvoira sans doute : il sera plus difficile de se caser dans les grands centres industriels et le pouvoir d’attraction diminuera. Nous avons d’ailleurs moins à craindre que d’autres pays de cette surabondance d’offre de travail qui accompagne la misère, car, — à quelque chose malheur est bon, — nos familles sont moins nombreuses, souvent le fils succède à son père, et il y a moins de positions à créer. Par cette raison, et à cause de la forte proportion de cultivateurs que compte la France, nous avons moins à nous plaindre aujourd’hui que tant d’autres nations.

Si l’on nous posait maintenant cette question : Suffit-il de bien connaître le mal pour trouver le remède ? moins optimiste que le proverbe, nous répondrions par non. N’y a-t-il pas des maux sans remèdes ? Nous ne pouvons pas éviter les crises d’une manière absolue, mais nous pouvons les atténuer et les abréger dans une forte mesure. Le tort que nous fait la nature est peu de chose en comparaison de celui que nous nous faisons nous-mêmes ; aussi notre prudence, notre amour de l’ordre, nos qualités de toute sorte peuvent nous préserver de bien des pièges et souvent nous tirer de l’abîme. — Et le gouvernement ? — Il n’est certainement pas sans action.-En ce moment, on attend même beaucoup de lui : on lui demande de faire de la Bonne politique commerciale, les négocians et les fabricans se chargeront de faire de bonnes affaires. L’anarchie douanière dans laquelle nous nous trouvons ne peut que prolonger les souffrances de l’industrie et du commerce ; il est dans ce moment impossible d’entreprendre une affaire de longue haleine, car personne ne peut prévoir les tarifs qu’on appliquera dans un an. Personne, disons-nous, pas même les gouvernemens intéressés ! À ce point de vue il vaut mieux de mauvais traités que pas de traités du tout, car le traité c’est la stabilité et la possibilité de prévoir ; sans prévision il n’y a pas d’avenir pour les affaires : il faut qu’elles puissent voir au delà du surlendemain.


MAURICE BLOCK.