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est un bien. Nous sommes en effet loin de partager l’opinion des publicistes qui, pour élever l’agriculture anglaise au-dessus de la nôtre, s’écrient : Tandis que nous avons un cultivateur sur deux personnes, dans les îles britanniques 70 cultivateurs suffisent pour produire la nourriture de 1,000 habitans. Nous ne reconnaissons pas ce mérite à l’agriculture anglaise, qui récolte à peine du blé pour six mois[1]. Si la diminution du nombre des laboureurs a un bon côté, c’est qu’elle a fait hausser les salaires sans précisément nuire au fermier ; celui-ci, qui était d’ailleurs stimulé en même temps par la concurrence des céréales importées de l’étranger, a dû rechercher tous les perfectionnemens recommandés par la science : assolemens rationnels, engrais abondans et énergiques, instrumens puissans, souvent mus par la vapeur, amélioration des types du bétail. C’est ainsi que l’agriculture eut sa part des progrès du siècle : la chimie et la mécanique devinrent directement ses tributaires après lui avoir agrandi le marché ultérieur des denrées alimentaires, en donnant un grand essor à l’industrie et au commerce.

Tout a une limite ici-bas, même les progrès de l’agriculture anglaise. La superficie du sol cultivable ne pouvant pas être étendue a volonté, on a dû s’efforcer d’en élever le rendement. On s’y est employé consciencieusement ; selon M. Caird, qui s’y connaît, le rendement moyen par acre, qui était de 23 boisseaux il y a un siècle, et il y a quarante ans de 26 1/2, est actuellement de 28 boisseaux (soit 20 hectolitres 70 ; 22 hectolitres 85 ; 25 hectolitres 20 par hectare). Le rendement de 28 boisseaux par acre ou de 25 hectolitres par hectare semble le maximum possible. Ce qui nous le fait croire, c’est que le rendement est, depuis trente ans, en voie de décroissance. M. Caird a dressé un tableau du produit moyen par acre pour chacune des années qui se sont écoulées de 1849 à 1878. Prenant le rendement de 28 boisseaux comme type, il a trouvé que cette moyenne a été dépassée de 4 pour 100 dans la période 1849-1858 ; de 3 pour 100 seulement dans la période 1859-1868, et qu’elle n’a pas été atteinte dans la période 1869-1878. Le déficit a été de 8 pour 100, C’est donc une diminution totale de 12 pour 100. Du reste, le fermier anglais désespère de faire mieux.

  1. Dans le siècle dernier, l’Angleterre a souvent exporté du blé, mais depuis cent ans elle cat devenue us pays importateur. L’insuffisance de la production intérieure est allée en croissant, il lui faut depuis huit ans un supplément de 40 et 50 millions de quintaux de blé (le quintal anglais est d’un peu plus de 50 kilogrammes). En 1877, l’importation du froment a atteint 54,269,800 quintaux. On comprend qu’en présence d’une aussi forte importation les prix ne soient pas sensiblement affectés par l’état de la production intérieure.