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LA
CRISE ECONOMIQUE

Depuis cinq ans, un malaise profond travaille le monde économique, nombre de machines sont arrêtées, nombre de fourneaux sont éteints, des milliers d’ouvriers chôment, les affaires se ralentissent, les gros capitaux sont inactifs, et si de partout s’élèvent des plaintes, c’est qu’il y a partout des souffrances trop réelles. Une crise intense, prolongée, nous étreint et paralyse l’essor de la vie économique. Une crise cependant, le mot l’indique, n’est ou ne devrait être qu’une situation transitoire, c’est une époque de fermentation où les matières impures se déposent, tandis que les élémens utiles ou sains se dégagent et se clarifient. C’est ce que nous avons pu constater lors des crises antérieures et ce que nos pères ont compris avant nous. D’où vient que le malaise soit si persistant qu’on en entrevoit à peine la fin ? Il faut bien que la cause du mal ne soit pas unique et que les effets en soient variés, pour que le remède habituel soit inefficace. Autrefois quelques faillites punissaient l’excès de spéculation, une baisse de prix ramenait la production dans de justes limités, et tout rentrait dans l’ordre : l’équilibre était rétabli. De nos jours ces moyens naturels se sont montrés impuissans. C’est que le mal est plus profond et plus général. Nous allons chercher, dans les pages qui vont suivre, à en mesurer l’étendue ; nous passerons en revue les causes auxquelles on l’attribue, nous tâcherons d’apprécier ces causes, et nous essaierons d’indiquer quelques remèdes.