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Sigoyer, procureur général, s’embarquaient à la Basse-Terre sur la frégate française la Victoire ; elle portait le pavillon du contre-amiral Maudet, qui commande en chef la division navale des Antilles et du golfe du Mexique. Mgr Blonger, évêque de la Guadeloupe, accompagné de son clergé, prenait également passage sur la Victoire, L’aviso à vapeur le Magicien recevait, de son côté, à son bord divers représentans de l’autorité civile et militaire aux Antilles. Dès le lendemain matin, les deux bateaux français étaient déjà en rade de Gustavia, où ils trouvaient un autre aviso français, le Guichen, commandé par un lieutenant de vaisseau, M. Boulineau, et la corvette de guerre suédoise la Vanadis, entièrement pavoisée. A six heures du matin, par un lever de soleil splendide, par une mer d’un calme parlait, la compagnie de débarquement de la Vanadis se rendit à terre, suivie une heure après par celle de la Victoire. Les deux troupes formèrent la haie du débarcadère au palais du gouverneur, puis aux deux points extrêmes de la haie furent placées les deux musiques de la corvette suédoise et de l’amiral français. A neuf heures, M. le gouverneur de la Guadeloupe prit terre et se rendit, suivi d’un brillant état-major, au palais où l’attendait le gouverneur suédois, l’honorable M. Ulrich. En ce moment, la ville de Gustavia avait un aspect des plus animés et des plus gais. Chaque maison, pourvue d’un mât de pavillon, avait arboré son drapeau, et les habitans, sans distinction de couleur, se pressaient joyeux et le sourire aux lèvres sur le passage du cortège. Pas un cri ne fut poussé, il est vrai, non par manque de souffle ou faute d’enthousiasme, mais la foule ici a le respect de l’autorité ; elle crie lorsqu’elle est certaine que cela n’incommode personne.

Après les présentations d’usage, M. le gouverneur Ulrich lut à haute voix le traité de cession et le procès-verbal de la prise de possession ; puis, les signatures apposées sur les deux documens, à un signal donné au dehors, le pavillon suédois fut « amené, » et le pavillon français fut « hissé » sur le fort, le palais du gouverneur et les édifices publics. En rade, les trois bâtimens français se pavoisèrent pendant que l’artillerie du fort et de la rade enveloppait Gustavia de fumée et l’ébranlait du tonnerre de ses salves. Au même moment, un Te Deum solennel était chanté par Mgr Blonger à la cathédrale.

Deux proclamations ont été affichées le jour même, se touchant en quelque sorte, sur les édifices publics. L’une émanait de sa majesté Oscar, « roi de Suède et de Norvège, des Goths et des Vandales. » Le roi y remerciait ses anciens sujets de leur fidélité et les déliait de toute obéissance envers lui et la couronne de Suède ; l’autre, adressée par le gouverneur de la Guadeloupe aux habitans