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l’histoire d’Athènes qu’ici l’on nous raconte ? Ne serait-ce pas plutôt la nôtre ? C’est la nôtre, si l’on veut, mais ce fut aussi celle de l’Europe coalisée en 1793 contre nous. Il y a eu de tout temps des Egestains. Tout ce que Nicias put obtenir de ces alliés non moins avares que nécessiteux, ce fut un nouveau subside de 124,000 francs. Il vendit les esclaves qu’il s’était procurés par ses descentes sur différens points de la côte, notamment à Hyccara, — aujourd’hui Muro di Carini, — et retira de cette vente une somme quatre fois plus considérable que la subvention arrachée à grand’peine aux habitans d’Égeste. La saison favorable s’était écoulée dans tous ces mouvemens ; il était déjà trop tard pour agir contre Sélinonte. À moins de vouloir retourner avec d’aussi maigres avantages au Pirée, il fallait se préparer à hiverner en Sicile. On aurait pu prendre ses quartiers d’hiver à Égeste même ; on jugea préférable de retourner à Catane. Sur la côte sud-est de l’île, on serait plus près dès renforts qu’on voulait demander à la république. Ces renforts ne pouvaient en effet venir d’Athènes qu’en longeant le Péloponèse et la côte d’Italie.

À part Égeste et Catane, les Athéniens n’avaient rencontré sur la côte que des villes inclinant secrètement pour Syracuse. Dans l’intérieur, au contraire, l’intervention étrangère était accueillie avec une faveur marquée. Les Sicanes et les Sicèles se montraient tout disposés à descendre de leurs montagnes pour aller prendre leur part du pillage de ces cités grecques qui les avaient refoulés, poursuivis, jusque dans les plus inaccessibles retraites, et dont l’opulence contrastait si bien avec leur propre misère. Il était fort intéressant de s’assurer le concours de ces populations indigènes. La flotte reprit donc seule le chemin ! de Catane ; l’armée, au lieu de se rembarquer, préféra traverser la Sicile dans sa plus grande longueur. Elle fit ainsi à pied un trajet de 180 milles environ, recrutant sur tout son passage des auxiliaires.

La flotte et l’armée se rejoignirent enfin à Catane, et Nicias utilisant les services des nombreux travailleurs qu’il traînait après lui, s’occupa de mettre la dernière main à ses retranchemens. Il croyait s’assurer ainsi un hiver tranquille ; du moment qu’ils n’attaquait pas Syracuse, c’était Syracuse qui devait songer à l’attaquer. Ces reviremens sont inévitables ; l’invasion, qui s’arrête et se barricade change de rôle avec l’ennemi qu’elle rassure. Encouragés par l’altitude prudente de Nicias et stimulés par un grand citoyen, Hermocrate, les Syracusains activaient leurs préparatifs. Ils avaient appelé à eux les contingens de Sélinonte et des autres villes du littoral ; déjà leurs cavaliers poussaient des reconnaissances jusqu’au camp des Athéniens. Nicias était un général prudent ; ce n’était point un