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et de coquetteries. Les scènes d’amour qu’elles représentent sont les mêmes que les poètes alexandrins ont tant de plaisir à décrire, les aventures d’Éros et de Psyché, Apollon et Daphné, Actéon et Diane, Atalante et Méléagre, Andromède et Persée, surtout Ariane abandonnée par Thésée ou visitée par Bacchus, et Galatée échappant aux tentatives de Polyphème. Ces sujets évidemment charmaient tous les bourgeois de Pompéi qui se faisaient bâtir une maison sur une des rues étroites de l’aimable et petite ville. Ils étaient heureux de les faire peindre sur les murs de leurs chambres ou de leur péristyle par un de ces décorateurs de passage, artistes voyageurs, qui leur venaient de la Grèce ou de Naples. Ils aimaient à les avoir sous les yeux, ils en nourrissaient leur imagination, et la profusion avec laquelle ils sont reproduits dans les villes de la Campanie prouve combien ils étaient populaires jusqu’aux extrémités du monde grec dans les premiers siècles de l’empire.

C’est précisément l’époque où le roman grec a dû naître. Il a donc succédé sans interruption à cette littérature alexandrine qui vivait depuis si longtemps du récit des fables d’amour et qui les avait mises partout à la mode. Non-seulement il lui a succédé, mais M. Rohde pense qu’il en est directement sorti. Il lui suffit, pour l’établir, de prouver que la peinture de l’amour est la même chez les poètes et dans les romans. Cette démonstration n’était pas aisée à faire, car on a vu que la poésie hellénistique était presque entièrement perdue. M. Rohde a recueilli les fragmens qui en restent ; il s’est servi aussi beaucoup des élégiaques latins qui ont imité ceux d’Alexandrie, de Tibulle, de Properce, d’Ovide surtout, qui n’ayant chanté, comme il l’avoue lui-même, que des « Iris en l’air, » a pu être un imitateur plus fidèle de ses devanciers. Avec ces secours fort habilement réunis, il a pu nous donner une idée de la façon dont ces poètes peignaient l’amour, de leur manière d’en décrire les phases diverses, et il n’a pas de peine à montrer qu’elle était tout à fait semblable à celle des romanciers.

Romanciers et poètes se ressemblent surtout dans la peinture de l’amour naissant. Chez les uns et chez les autres il commence de la même façon. C’est dans une fête religieuse que les amoureux se rencontrent pour la première fois. On sait que ces réunions étaient les seules auxquelles une jeune fille pût assister et qu’il n’était guère possible de la voir ailleurs ; mais là, tout était un danger pour des personnes qui d’ordinaire ne sortaient pas de chez elles ; ce passage subit de la réclusion au grand jour, la beauté du spectacle, l’émotion de la foule, la pompe des sacrifices, les danses et les chants devaient troubler des âmes naïves et inexpérimentées. On supposait toujours que jusque-là ni le jeune homme ni la jeune fille n’avaient connu l’amour. Ils en parlaient légèrement, ne l’ayant