Cette action de la choroïde est facile à mettre en évidence au moyen de l’expérience suivante. Kühne décolle les bords de la rétine, dans un œil frais, sur une certaine étendue, et, dans la cavité ainsi formée, il glisse un fragment de porcelaine quelconque, afin que le contact entre la choroïde et la rétine soit absolument impossible. Il porte alors l’œil à la lumière jusqu’à décoloration complète. Cela fait, il le reporte à l’obscurité ou à la lumière de sodium, il enlève le fragment et reconstitue le contact : au bout de quelques minutes, toute la rétine est uniformément rouge ; le seul contact de la choroïde vivante avec la portion de rétine isolée a suffi pour provoquer la régénération de la coloration pourpre. On peut même procéder autrement : on détache entièrement un fragment de rétine, on le fait blanchir au soleil, sur une assiette ; puis on le replace sur une choroïde encore vivante, à l’obscurité, et la pourpre visuelle se reproduit encore. Il n’y a pas là teinture de la rétine par un liquide rouge de la choroïde, car il n’y a pas de liquide de cette couleur dans la membrane en question ; ce n’est pas non plus une simple action physique, puisque la choroïde morte ne provoque aucune régénération. Force nous est donc d’avouer que la cause de la régénération de la pourpre visuelle nous échappe, et, bien que nous en connaissions les conditions indispensables, nous n’en saisissons pas le mécanisme.
La physiologie de la pourpre visuelle est donc encore à faire. Nous avons vu que cette substance ne se rencontre pas chez tous les animaux, ni, chez ceux où elle se trouve, dans les mêmes parties de la rétine. Quelquefois on voit des rétines colorées, non en pourpre, mais en bleu-vert, en violet. On ne peut donc pas établir de relation positive entre l’excellence de la vue et la présence ou l’absence de la pourpre visuelle. Aussi Kühne, se posant la question de savoir si la coloration rétinienne est indispensable à la vision, est obligé de la résoudre négativement, car chez l’homme même, s’il est des sujets où on la rencontre, il en est d’autres où l’on ne peut la trouver. Que la pourpre visuelle joue un rôle dans l’acte de la vision et qu’elle ait son importance dans la physiologie de l’œil, c’est vraisemblable ; mais quel rôle, quelle importance, nous ne saurions le dire. En résumé, un fait essentiel se dégage des recherches de Boll, de Kühne et des autres observateurs, c’est qu’à l’état vivant, la rétine colorée en rouge est continuellement décolorée par la lumière, qu’après la mort elle peut se décolorer encore, mais non reprendre sa teinte normale.
En considérant ces résultats obtenus, l’on a pensé que l’optographie était découverte, et que dès lors la justice se trouvait en possession d’un instrument aussi formidable que nouveau, puisque les yeux des victimes devaient présenter, à moins de circonstances particulières, la photographie de leur bourreau et du théâtre du crime. Cette application des expériences précédentes mérite, par son intérêt pratique,