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globe oculaire. Cette tache, due à la présence de granulations pigmentaires, ne se rencontre que chez l’homme et le singe. A sa partie centrale se trouve un petit orifice résultant de l’amincissement de la membrane. La tache jaune est la région la plus sensible de la rétine, c’est sur elle surtout que viennent tomber les rayons lumineux.

Au siècle dernier, les anatomistes se contentaient de voir dans la rétine deux couches superposées ; aujourd’hui, le microscope aidant, et peut-être l’imagination, nous en voyons de cinq à douze, selon les observateurs. Parmi celles-ci, il en est une, la plus extérieure, la plus superficielle, que l’on considère comme contenant les organes terminaux du nerf optique. Ces sortes de papilles, comparables, pour les fonctions, à celles que l’on rencontre dans la peau, où elles constituent les terminaisons des nerfs de sensation tactile, portent le nom de cônes et de bâtonnets. Ce sont de petits organes en forme de cylindres et de cônes, aboutissant en dehors à la choroïde, membrane qui entoure immédiatement la rétine, en dedans à la couche rétinienne sous-jacente, par l’intermédiaire de petits filamens. Les cônes abondent dans la tache jaune, les bâtonnets occupent surtout le reste de la membrane. Les premiers ne seraient impressionnés que par les différences qualitatives de la lumière : c’est-à-dire qu’ils ne serviraient qu’à percevoir les couleurs ; les derniers n’apprécieraient que les différences d’intensité. L’ensemble de ces élémens constitue la couche des bâtonnets, qui serait, directement ou indirectement, en relation avec les filets périphériques du nerf optique.

Pendant longtemps cette couche a été considérée comme étant absolument incolore chez l’homme et la plupart des animaux : la coloration pourpre que Leydig et Schultze lui avaient attribuée chez quelques vertébrés était regardée comme une exception ou une anomalie. M. J. Chatin, il y a peu de temps encore, observa cette teinte pourpre chez la locusta viridissima, et pensa que cette couleur pouvait se rencontrer dans toutes les rétines. Enfin, tout récemment, M. Boll, professeur à l’université de Rome, s’est vu conduit par ses expériences à la conclusion suivante : la véritable couleur de la rétine est le rouge pourpre, mais cette coloration ne se présente que dans l’obscurité ; la lumière la détruit au fur et à mesure qu’elle se produit ; enfin cette coloration disparaît avec la vie, ou du moins ne persiste que peu d’instans après la mort.

Les expériences de M. Boll ont été faites sur les martyrs ordinaires de la physiologie : les grenouilles et les lapins. Le procédé opératoire pour mettre en évidence la décoloration de la pourpre visuelle (c’est un des noms donnés à la matière colorante de la rétine) est des plus simples. Si l’on décapite un lapin, après avoir eu la précaution de le tenir d’abord une heure ou deux dans une complète obscurité,