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REVUE LITTERAIRE

Les Ennemis de Racine au XVIIe siècle, par M. F. Deltour. Paris, 1879.

Sous ce titre, les Ennemis de Racine, pour prévenir toute méprise, hâtons-nous de déclarer qu’il ne s’agit ni de M. Perrin, administrateur du Théâtre-Français, ni de M. Maubant, le dernier Mithridate, ni de M. Paul Albert, professeur au Collège de France. M. Paul Albert est l’auteur d’une amusante histoire de la littérature française où, Louis XIV ayant d’abord été traité comme il le mérite, on apprend, parmi beaucoup d’autres choses inattendues, que Racine a manqué du « génie tragique, » d’ailleurs « qu’il n’a, non plus que son siècle, ni su ni compris l’histoire, » et qu’enfin, redoutant les « expressions vraies » à l’égal des « situations violentes, » il n’a jamais possédé, ni même peut-être « soupçonné cette originalité supérieure qui crée les œuvres, forme et fond, de toutes pièces. » Les romantiques en ont dit bien d’autres : ce n’est pas d’eux non plus qu’il s’agit. Nous n’aurons affaire, pour cette fois, qu’avec les Ennemis de Racine au XVIIe siècle.

Ils sont nombreux, nombreux et divers, si nombreux qu’ils ont pu fournir la matière de tout un livre, si divers qu’il a fallu les ranger, les classer, les enrégimenter, les grands seigneurs d’abord et la cabale aristocratique, les poètes ensuite et les gens du métier, la cabale académique, et les gazetiers, et le Mercure Galant, et ces « quatre ou cinq petits auteurs infortunés qui attendent toujours l’occasion de quelque ouvrage qui réussisse, pour l’attaquer, dans l’espérance qu’on se donnera la peine de leur répondre. » Jamais peut-être un grand homme n’a traîné derrière soi plus d’envieux que Racine. Voltaire lui-même n’a pas été plus harcelé des Nonotte et des Patouillet. Toutes les histoires de la littérature nous ont raconté le succès douteux de Britannicus, la bataille de Phèdre, la disgrâce d’Athalie. Bien plus, un parterre du XVIIe siècle a failli siffler les Plaideurs. Et l’on peut dire avec vérité que, dans toute sa carrière, l’auteur d’Andromaque et de Bajazet n’a pas