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LA
POLITIQUE REALISTE
A PROPOS D'UNE PUBLICATION RECENTE DE L'ACADEMIE DE BERLIN

Il y a dans ce monde beaucoup de nouveautés qui ne sont pas neuves, beaucoup d’inventeurs qui ne sont que des disciples. Les Allemands font gloire d’être devenus depuis peu réalistes en politique, et ils considèrent volontiers les pratiques et les procédés qui leur ont procuré de si brillans succès, de si utiles conquêtes, comme une découverte toute récente, comme une science nouvelle, dont personne n’avait jamais parlé avant le mois de septembre 1862. Il serait pourtant facile de prouver que cette science est aussi vieille que le monde, qu’elle a été connue de tous les conquérans, de Sémiramis, reine d’Assyrie, aussi bien que du roi David, vainqueur des Moabites et des Philistins, ou que tout au moins elle remonte jusqu’à Romulus et à l’enlèvement des Sabines. Il serait plus facile encore de démontrer que, si la politique réaliste a été réduite en système par un illustre Florentin, elle a été appliquée par Frédéric II, roi de Prusse et Salomon du nord, avec une supériorité d’esprit, avec une énergie de volonté, avec une verve d’insolence et d’audace, avec une profondeur dans les combinaisons et une fertilité d’expédiens qu’on a bien pu imiter, mais qu’il est impossible de surpasser. Les leçons qu’avait données à l’univers étonné le vainqueur de Molwitz et de Rosbach ont été profondément méditées par les héritiers de ses conquêtes et de sa gloire. Ceux qui ont continué et couronné son œuvre se sont inspirés de ses exemples ; ils n’ont rien inventé, ils n’ont fait que suivre ou renouveler une tradition.

C’est une réflexion qui s’impose à l’esprit quand on étudie le très intéressant volume publié tout récemment par les soins de l’académie des sciences de Berlin, et qui sera, nous assure-t-on, suivi de