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Seigneur l’important diocèse de Larisse. Des acclamations unanimes l’accueillirent, le choix du synode ratifia le vœu populaire, et le vicaire du siège vacant, annonça à la foule qu’elle eût à prier le ciel de prêter son aide à Jérémie II, chef et pasteur de l’église œcuménique.

Le prélat qui venait d’être appelé à cette dignité suprême était un homme jeune encore, d’à peine quarante ans. Il était né à Anchiala, petite bourgade de pêcheurs adossée aux escarpemens méridionaux du Balkan, sur une falaise de la Mer-Noire, à l’entrée de la baie de Bourgas. La vocation ecclésiastique l’avait conduit de bonne heure chez le métropolite de Tirnowo, théologien de grand renom. Jérémie y reçut, avec les ordres sacrés, l’instruction monacale de ce temps, qui dressait l’esprit à lutter subtilement pour ou contre un texte, mais qui négligeait de le former aux luttes de la raison et de la vie réelle. Le haut clergé de l’église orientale ne se recrutait pas, comme le nôtre, dans cette vaste pépinière de prêtres séculiers, pasteurs des petites paroisses, en rapports constans avec le peuple, partageant son esprit, sachant ses besoins et préoccupés de ses misères » Il sortait, exclusivement soit des monastères, soit de cet état-major de jeunes diacres, promis d’avance aux honneurs, qui errent dans les maisons épiscopales, figurent aux cérémonies solennelles, tiennent la comptabilité du prélat et apprennent à cette école l’administration matérielle d’un diocèse, peut-être plus que sa conduite spirituelle, Jérémie sut déployer dans ce stage des qualités qui plurent à ses protecteurs, car ils le désignèrent, malgré sa jeunesse, pour le siège métropolitain de Larisse. C’était une des circonscriptions les plus importantes de la Thrace, et aussi l’une de ses plus tristes résidences. Nous racontions dernièrement comment, un soir de voyage, le protosyncelle nous reçut dans la vieille maison métropolitaine, en nous disant que son supérieur était retenu au Phanar depuis plus d’une année. Ainsi faisait sans doute son prédécesseur Jérémie, las de l’exil provincial ; il était à Constantinople, et il prit part à l’élection qui lui destina le trône patriarcal, car nous le voyons officier solennellement à la fête de l’Ascension, tombant, l’année 1572, dix jours après le 15 mai.

Un historien contemporain cité par Etienne de Gerlache nous a laissé un portrait du nouveau patriarche qui a tout l’accent de la vérité. Jérémie était un homme de haute taille, de forte corpulence, au visage placide et immobile. Modeste et de bonnes mœurs, il avait dirigé en paix son diocèse de Larisse ; mais il était d’un caractère indolent, et sa vie toute monastique le préparait aux vertus du cloître plus qu’à la gestion des grandes affaires de l’église. — Les biographes officiels ajoutent mille perfections à ce fond de tableau ;