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d’une belle patine verte, et la partie de la monnaie qui touchait aux lèvres du mort était seule oxydée.

Toutes ces sépultures étaient complètement recouvertes par les dunes, et les corps de Tauroentum, qui se trouvaient pour ainsi dire moulés dans le sable inaltérable de la plage comme ceux de Pompéi dans la cendre du Vésuve, s’étaient peu à peu décomposés sans que le squelette ait éprouvé le moindre contact extérieur ni l’action dissolvante des agens atmosphériques.

Les briques funéraires de Tauroentum étaient de dimensions considérables et ne mesuraient pas moins de 60 centimètres de longueur sur 40 centimètres de largeur (exactement 0,58 sur 0,44) ; elles étaient plates, à crochet et portaient toutes le nom du fabricant ; elles servaient en général aux sépultures des pauvres. On couchait le corps en maintenant avec soin la tête un peu élevée et en la plaçant toujours du côté du soleil levant ; des deux côtés du corps on disposait ces larges briques que l’on inclinait jusqu’à ce qu’elles se rencontrent en formant une sorte de toit, et, pour empêcher l’eau des pluies ou des filtrations de pénétrer à travers la fente de l’arête supérieure, on plaçait par-dessus une tuile faîtière, beaucoup plus longue que celles que nous employons pour nos toitures modernes, et qui formait le couronnement de ces tombeaux primitifs. On recouvrait alors le tout de sable, et cette modeste construction préservait ainsi le corps du contact direct de la terre, molliler ossa quiescunt.

Les sépultures des riches avaient lieu dans des bières en terre cuite en forme de jarres immenses, ou même dans des sarcophages de marbre ou de pierre dont on a retrouvé quelques débris. Mais dans les plus pauvres comme dans les riches, on plaçait pieusement des lampes, des vases, de petites fioles en verre, quelquefois même des objets usuels, bijoux pour les femmes, armes pour les guerriers, jouets pour les enfans, que le défunt avait aimés pendant la vie, et qui, dans les idées païennes, devaient rester à la disposition de ses mânes. Un nombre considérable de ces débris a été retrouvé en mille pièces sur la plage de Tauroentum, car le cimetière contournait la ville, s’étendait jusque sur le bord de la mer, et il semble que la population gréco-romaine de la colonie, en adoptant cet emplacement pour le dernier asile de ses morts, ait regardé cette mer transparente comme une coupe inépuisable d’eau lustrale, et qu’elle ait voulu rappeler une fois de plus ce mythe touchant de la navigation des âmes à travers les océans, à la recherche d’îles bienheureuses et de paradis inconnus.

Nous devons nécessairement nous borner, et nous tomberions dans l’énumération si nous voulions mentionner ici tous les débris