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construites en menus matériaux et très souvent en planches et en terre battue, s’étendaient à flanc de coteau sur le rocher de Baumelles et descendaient jusqu’au port.

Sur la plage même, des fouilles persévérantes ont permis de retrouver l’emplacement de l’agora ou place publique, reconnaissable à sa forme rectangulaire et aux substructions très nombreuses des monumens publics qui l’entouraient sur ses quatre côtés. Le plus important de ces édifices présentait une figure demi-circulaire, de 70 mètres de diamètre, ouverte du côté de la mer. L’hémicycle était, suivant l’usage antique, à moitié engagé dans le rocher : la forme générale était donc celle d’un théâtre ; deux portes latérales donnaient accès dans la partie du monument qui semble avoir été l’orchestra et qui correspond à notre parterre moderne. Le long du grand mur de scène qui séparait l’orchestra du procenium, on a retrouvé, à des distances égales de 2 mètres environ, des bases en maçonnerie destinées à supporter des colonnes, des vases ou des statues. Ce vaste édifice était-il réellement un théâtre, ou bien un de ces marchés ou entrepôts (emporium) où l’on réunissait les vivres et les denrées pour les mettre ensuite en vente ? Il est difficile de le dire. A Athènes comme à Rome, la vie était tout extérieure, et toutes les constructions qui avaient un caractère d’utilité publique étaient exécutées dans des conditions de grandeur et de luxe qui contrastaient avec l’exiguïté des habitations privées. La découverte de nombreuses jarres en terre cuite, aplaties par le bas, d’un volume considérable, ne mesurant pas moins de 1 mètre 25 centimètres de diamètre et dont la hauteur dépassait celle de l’homme, du genre appelé dolium, permet de supposer qu’il y avait là un magasin d’approvisionnemens.

Toutefois ces vases étaient dissimulés dans les maçonneries et rangés symétriquement le long du proscenium, et l’on sait que dans les anciens théâtres, qui étaient ordinairement très vastes, en plein air et couverts seulement par une tente, velarium, on avait l’habitude de disposer le long du mur de scène une série de vases acoustiques en terre cuite ou en bronze, appelés echea et destinés à renforcer la voix des acteurs. Dans l’hypothèse où cette construction aurait été un théâtre, l’usage des vases acoustiques était ici d’autant plus motivé qu’on se trouvait à quelques pas de la mer, dont il importait de dominer le bruit sourd et continu. A la vérité, on ne rencontre pas de traces de gradins ; mais il convient de remarquer que les théâtres primitifs n’en avaient pas : les spectateurs se tenaient en général debout, échelonnés sur les pentes de l’hémicycle ; devant eux on exécutait les danses, les jeux athlétiques, les représentations dramatiques ; et l’orientation du demi-amphithéâtre de Tauroentum, ouvert du côté de la mer, permet aussi de