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ont appartenu à des constructions de l’époque romaine, çà et là des débris de poteries, rarement des blocs de pierres de taille ou de marbre cachés sous les dunes mouvantes. Le port, la ville, la citadelle, tout a disparu. La plage est presque un désert, et il faudrait exécuter aujourd’hui un déblai considérable pour retrouver l’assiette de la ville antique. Fort heureusement ce travail, très pénible dans le sable mouvant, a été exécuté à plusieurs reprises différentes, le sous-sol a été soigneusement exploré, et le succès a été complet. On a pu relever avec précision les substructions et les soubassemens des principaux monumens de l’ancienne cité. Mais rien n’avait été préparé pour arrêter la marche des dunes mouvantes, et le squelette de Tauroentum, un moment exhumé, a été de nouveau recouvert par le sable, comme par un véritable linceul. Ce n’est donc que par les témoignages des explorateurs, par le récit sincère de ce qu’ils ont vu, par les dissertations et les mesures qu’ils nous ont laissées, et par les débris qu’ils ont pu recueillir sur place et qui ont été malheureusement dispersés de tous côtés que l’on peut aujourd’hui se faire une idée de l’ancienne colonie grecque. Ces documens, ne craignons pas de le dire, sont d’autant meilleurs qu’ils ne sont pas l’œuvre d’archéologues modernes et trop érudits ; ils ont été écrits sans le moindre art, avec une entière bonne foi et une scrupuleuse exactitude ; pour nous ils ont mieux que le prestige de la science, ils ont le caractère de la vérité.

Tout d’abord, vers l’an 1755, le savant abbé Barthélémy fit exécuter quelques fouilles sur la plage des Lèques, qui ne produisirent aucun résultat important, soit qu’elles n’aient pas eu lieu exactement sur l’emplacement des ruines, soit qu’elles aient été conduites avec inhabileté ou qu’on se soit découragé un peu trop tôt, malgré l’apparition de « quelques pavés formés de petits cubes de pierre et dans le genre cles mosaïques. »

Les découvertes sérieuses n’eurent lieu que vingt-cinq ans plus tard. Le 25 avril 1781, un modeste érudit de Provence, M. Marin, lieutenant général au siège de l’amirauté de la Ciotat, très versé dans l’étude des géographes anciens et ayant une connaissance parfaite de la côte qu’il habitait, lisait à l’académie de Marseille un mémoire sur les fouilles qu’il avait fait exécuter pour retrouver l’emplacement de la ville de Tauroentum. C’est à lui incontestablement que revient l’honneur d’avoir appelé l’attention des archéologues sur l’ancienne colonie grecque, et il résulte très nettement de son mémoire que des mines importantes étaient encore très apparentes il y a près d’un siècle. Dans la plaine d’alluvions modernes et presque horizontale qui s’étend depuis le petit village de Saint-Cyr jusqu’à la mer, Marin signalait des vestiges d’aqueduc et de murs