Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

D’après les tables géographiques de Claude Ptolémée, Tauroentum faisait partie de la Celto-Galatie Narbonnaise, Κελτογαλατία Ναρϐωνήσια, appartenait au territoire de la peuplade des Commoniens, et était située à vingt minutes de longitude de Marseille en se dirigeant vers l’est, et à deux minutes de longitude du cap Sicié en se dirigeant vers l’ouest ; ses coordonnées étaient donc 24° 50’ longitude est, et 42° 50’ latitude nord.

Or on sait que Ptolémée, qui vivait au commencement du IIe siècle de notre ère, mesurait, comme nous, les latitudes à partir de la ligne équatoriale, et qu’il comptait au contraire les longitudes d’occident en orient, à partir de l’extrémité du monde connu des anciens, c’est-à-dire des îles Fortunées, insulæ Fortunatæ, où les Phéniciens avaient établi leur comptoir le plus éloigné, qui est resté très florissant jusqu’à la ruine de Carthage. Ces îles Fortunées constituent aujourd’hui le groupe des Canaries, situé à 200 kilomètres environ de la côte nord-ouest de l’Afrique ; et on est fondé à croire que le premier méridien passait par l’île de Fer, l’une des sept principales îles de cet archipel de l’Atlantique.

Mais il y a plus, et les travaux récens des géographes modernes ont établi d’une manière péremptoire que les tables de Ptolémée doivent être légèrement corrigées ; d’une part, toutes les villes sont portées un peu trop à l’est en longitude, et l’erreur est environ d’un degré ; d’autre part, les latitudes sont en général trop faibles et doivent être augmentées presque toutes de 30’ au nord ; mais, comme ces erreurs sont constantes pour tous les lieux désignés dans les tables, toutes les positions relatives sont exactes, et tout se réduit par conséquent à un simple déplacement d’origine pour les coordonnées géographiques. Or, en appliquant ces légères corrections aux chiffres donnés par la table ptoléméenne, on trouve avec une précision presque mathématique la longitude et la latitude de la plage des Lèques et du rocher de Baumelles. C’est donc là incontestablement que se trouvait l’ancien Tauroentum mentionné par le géographe du second siècle.

Ces témoignages ne sont pas les seuls. Strabon, un peu prévenu en faveur de la prépondérance marseillaise, regardait en général toutes les villes grecques de la côte comme issues de la métropole Massalia. « La côte gauloise, dit-il, qui s’étend depuis cette ville jusqu’au Var et à la Ligurie voisine de ce fleuve, est bordée de villes marseillaises, telles que Tauroentum, Olbia, Antibes, Nice. Les Grecs de Marseille, ajoute-t-il plus loin, ont bâti toutes ces villes pour se protéger contre les incursions des Salyens et des Ligures qui habitent les derniers chaînons des Alpes, pour contenir les barbares maîtres du haut pays et s’assurer par ce moyen la liberté des mers. » Strabon, on le voit, cite Tauroentum comme colonie