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silencieuse et en larmes, du pas auquel marchent les processions en ce monde. »

… Tacendo e lagrimando, al passo
Che fanno le letane in questo mondo.


Regardons défiler la triste procession, depuis Gennadios et pendant un siècle et demi. — Joasaph Cocas, homme ami de la paix, disent les chroniqueurs, est si fort maltraité par son clergé qu’il se jette de désespoir dans un puits. Des hommes pieux l’en retirent et le guérissent ; le pacha l’envoie en exil après lui avoir coupé la barbe, parce qu’il n’a pas voulu consentir au mariage de son protovestiaire avec la veuve du duc d’Athènes. — Marc Xylocarabée lui succède ; le sultan l’exile également à la demande des gens de Trébizonde. Ils font élire Siméon, au prix de 1,000 florins d’or ; on le jette dans un monastère. Denys a le même sort. — Marc II, accusé de s’être fait circoncire par les Turcs, doit se justifier de cette accusation devant le synode, et n’en est pas moins destitué. — Le Serbe Raphaël promet de porter à 2,000 ducats le tribut qui était de 1,000 jusqu’à lui ; comme il ne peut le payer, on lui met une chaîne au cou, et un agha le mène ainsi en laisse mendier sur les routes, où il meurt de misère. — Nyphon, accusé de supposition d’héritage, est renvoyé avec le nez coupé. Joachim porte le tribut à 3,000 florins ; exilé, rappelé, exilé de nouveau, il va mourir en Valachie. Pacôme est empoisonné par un moine de Sélymbrie. — Jérémie Ier part pour une tournée en Chypre ; son vicaire l’abandonne à mi-chemin, revient en hâte, paie et prend sa place. Le peuple chasse l’intrus et achète de ses deniers un firman de retour pour Jérémie. Joasaph II est déposé pour cause de simonie ; le clergé le maudit parce qu’il a encore grossi le tribut. — Grégoire le Borgne, enlevé sur une galère, est jeté à la mer. — Son successeur Cyrille, en route pour l’exil, est étranglé et caché dans le sable sur une grève de l’Euxin : des Turcs passent, voient une corde, croient à une épave enfouie, et amènent à eux le cadavre du patriarche de Constantinople. — Arrêtons ici ces monotones horreurs ; telle est, à peu de variantes près, l’histoire de chacun de ces pontifes.

Dans les dernières années du sultan Sélim II, le siège patriarcal était occupé par Métrophane de Césarée. Sous son pontificat, écrit un des prélats contemporains, la simonie devint tellement flagrante qu’un parti se forma bientôt, sous la direction de Michel Cantacuzène, pourchasser ce trop faible pasteur. On lui proposa, pour quitter la place, les deux diocèses de Larisse et de Chio ; il accepta, vendit le premier et se retira dans le second. Le synode se réunit alors, afin de pourvoir à sa succession, dans l’humble