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vient de disparaître définitivement emportant avec lui le modeste titre des populations du nord du Slesvig et les dernières espérances du Danemark.

Les préliminaires de la négociation qui vient d’en finir avec l’article 5 du traité de Prague le disent, l’empereur d’Allemagne a fait connaître à Vienne « l’importance qu’il attachait à écarter cette modalité de la paix ; » l’empereur d’Autriche, de son côté, a reconnu « les difficultés qui s’opposent à l’application de l’article 5, » et de plus il a voulu « donner une preuve nouvelle de son désir de resserrer les liens d’amitié qui existent entre les deux puissances. » Conclusion : l’article 5 du traité de Prague est supprimé ! Voilà qui est simple et clair : l’Allemagne et l’Autriche sont d’accord, le droit réservé aux populations du Slesvig deviendra ce qu’il pourra, et le Danemark, pour sa part, n’a guère d’autre ressource que d’invoquer la justice de l’Allemagne qui vient de lui témoigner sa bonne grâce en redoublant de rigueurs à l’égard du fils du dernier roi de Hanovre, le duc de Cumberland, marié récemment à une princesse danoise. Le cabinet de Copenhague pourra aussi s’adresser à l’Europe ; il pourra protester, plaider la cause du faible, et l’Europe recevra ses protestations, elle l’écoutera avec intérêt, avec sympathie, elle ne pourra rien faire de plus ; elle s’exposerait à ne recevoir aucune réponse. On a eu l’idée peu sérieuse de supposer que cette négociation aurait été communiquée à la France, l’ancienne médiatrice de 1866, l’inspiratrice de la réserve inscrite au traité de Prague en faveur du Slesvig. Évidemment l’Allemagne et l’Autriche n’ont pas eu un instant la pensée d’appeler la France dans leur négociation, et la France, quels que soient ses sentimens, n’avait point à exprimer une opinion sur un acte qui reste tout entier sous la responsabilité de ceux qui l’ont accompli. La France y est étrangère, elle n’a point été consultée, et si elle eût été consultée, elle n’aurait pu que se récuser. Elle reste pour le moment et jusqu’à des circonstances nouvelles une spectatrice non pas indifférente, mais recueillie, attentive et impartiale des événemens.

Quant à l’Autriche, si elle s’est rendue si aisément et si complaisamment au désir que l’Allemagne lui a témoigné, c’est qu’elle y a vu probablement un intérêt particulier, c’est qu’elle n’a pas cru pouvoir refuser ce gage en échange du concours qu’elle a trouvé pour sa politique orientale. On n’en peut guère douter en rapprochant les dates, en voyant cette négociation, qui se préparait à coup sûr depuis quelque temps, arriver à un dénoûment peu après le congrès de Berlin, au mois d’octobre dernier, c’est-à-dire au moment où le gouvernement austro-hongrois avait à se débattre avec toutes les difficultés de l’occupation armée de la Bosnie. L’Allemagne a prêté son appui à l’Autriche dans le congrès, elle lui a continué son concours après le congrès, et l’Autriche à son tour n’a point hésité à délier l’Allemagne d’un engagement qui n’était pas bien embarrassant, mais qui pouvait être un ennui,