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cette Scylla, dont le torse et la tête se détachent avec grâce sur deux larges feuilles d’acanthe, tandis qu’au-dessous de la ceinture des chiens s’élancent en aboyant et les anneaux squameux de deux grandes queues de poisson s’arrondissent au-dessus des vagues ? Dans plusieurs de ces ouvrages, l’art a de la grandeur, malgré l’exiguïté des dimensions ; il est grand par le style, par la science du modelé, par la sûreté et la liberté de l’exécution. Heureux privilège de ces artistes inconnus qui trouvaient, pour guider l’habileté de leur main, des traditions fermement établies et un sens héréditaire de l’ornementation que la Grèce avait encore assoupli et perfectionné en l’empruntant à l’Orient ! Heureuses conditions de la vie antique qui leur offraient tout près d’eux une source inépuisable d’inspiration dans une mythologie noble, gracieuse, spirituelle, à la fois fidèle et supérieure à la nature, capable d’idéal et laissant le champ libre à la fantaisie ! Ils semblent avoir créé pour toujours le riche trésor où la ciselure moderne, quels que soient ses mérites propres d’invention, puise la plupart de ses idées.

Il faut aller chercher dans les planches données par M. Carapanos la représentation de tous ces objets de bronze. Des explications ajoutées par l’auteur et par des connaisseurs tels que MM. de Witte et Heuzey en facilitent beaucoup l’intelligence. Cette belle publication offre aussi aux archéologues, avec le détail des explorations et des fouilles, d’intéressantes inscriptions. Quelques-unes sont des actes publics ou privés, conservés autrefois dans le temple, suivant l’usage des Grecs, qui confiaient à leurs dieux la garde des pièces où étaient engagés l’intérêt et l’honneur de l’état ou même seulement des particuliers. Les plus nombreuses et celles qui en même temps piquent le plus la curiosité ont un caractère religieux. Enfin M. Carapanos, dans une suite de chapitres qui forment un mémoire étendu, expose l’histoire de Dodone depuis l’origine de l’oracle jusqu’à la destruction du temple, et réunit tout ce qu’on sait sur le culte et les procédés de divination, en ayant soin, ce dont les érudits lui sauront particulièrement gré, de donner tous les textes qui se rapportent à son sujet.

Depuis quelques années, les archéologues se sont remis avec une nouvelle ardeur à fouiller le sol de la Grèce. Athènes, Tanagre, la plaine de Troie, Olympie, Mycènes, Éphèse, Milet, les îles de Samothrace, de Chypre, de Délos, tous ces points divers du monde hellénique et d’autres encore ont été ainsi explorés par des chercheurs animés d’une véritable émulation scientifique. Il n’est pas indifférent de remarquer que notre École française d’Athènes, malgré l’exiguïté de ses ressources, a su se faire dans ces découvertes une part très honorable, depuis les fouilles de Beulé à l’acropole d’Athènes jusqu’à celles de MM. Lebègue et Homolle à Délos. Dans ces différentes recherches, celles qui se font sur les emplacemens des sanctuaires fatidiques ne sont pas les moins intéressantes. Ce qu’on y retrouve en effet, c’est la vie antique