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ils conservent leur aspect ; mais après ce terme on les voit se transformer : les sphéroïdes disparaissent et sont remplacés par de petites aiguilles solides et dures qui, chassées par le vent du nord, meurtrissent le visage des voyageurs. Leur ensemble offre quelquefois l’aspect d’une fumée (frostsmoke). On les rencontre dans les climats septentrionaux, on les trouve aussi dans les grandes hauteurs atmosphériques ; ce sont elles qui composent les couches de cirrus que plusieurs fois les aréonautes ont traversées ; ce sont elles aussi qui décomposent la lumière solaire et donnent naissance aux halos. En résumé, tant que le froid ne dépasse pas 14 degrés, les brouillards persistent constitués par des globules liquides à l’état de surfusion : il n’y a pas de raison pour qu’il en soit autrement de la pluie. La seule objection qui soit possible vient de ce que la surfusion exige ordinairement le repos et qu’elle cesse par l’agitation, mais Blagden a fait remarquer avec soin que la condition du repos n’est point absolue, qu’on peut, sans la solidifier, faire couler doucement l’eau surfondue, que les vibrations brusques, le contact d’un solide et surtout d’un morceau de glace, sont les seules causes toujours déterminantes de la solidification.

On pourrait se demander pourquoi, dans les grands froids, l’eau tombe si rarement à l’état de surfusion, pourquoi elle gèle le plus souvent et nous arrive sous forme de neige, de grésil ou de grêle. C’est que vraisemblablement elle rencontre au milieu de l’air des particules solides, poussières ou cristaux qui constituent des centres d’attraction sur lesquels la congélation commence, et d’où elle part ensuite en rayonnant pour constituer ces étoiles régulières dont la neige est toujours formée. Il est probable que la surfusion de l’eau exige avant tout que l’air ait été préalablement débarrassé de ses poussières par une abondante chute de neige pareille à celle qui s’est produite aux premiers jours de janvier.

Il n’y a donc aucune raison pour élever des doutes sur la véracité des observations faites au mois dernier par trois personnes, indépendantes, désintéressées et instruites. Nous admettrons avec MM. Masse, Godefroy et Piebourg, que la pluie tombée les 22, 23 et 24 janvier était jusqu’à sa rencontre avec les objets terrestres composée de gouttes exclusivement liquides, sans aucun mélange de cristaux, qu’elle arrivait avec une température moyenne de — 4° et qu’elle était par conséquent à l’état de surfusion. Il est clair qu’elle devait se geler subitement par le choc des gouttes sur les objets, ne se geler qu’en partie seulement et remonter ensuite à zéro ; mais comme la température générale était à — 4°, l’eau qui demeurait liquide après la chute devait se congeler un peu plus loin par son refroidissement à l’air. Tout cela s’est réalisé avec le dernier degré