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nouveau tarif est, en réalité, moins libéral que le tarif conventionnel appliqué depuis 1860. La commission législative ne doit pas perdre de vue ce premier point, qui est incontestable. Ce n’est pas seulement une halte dans la voie de la réforme, c’est un mouvement en arrière, et l’on comprend que les protectionnistes, encouragés par cette concession, apportent dans le débat, aujourd’hui rouvert à leur profit, une ardeur et des espérances auxquelles ils semblaient avoir depuis longtemps renoncé.

La commission des tarifs a donc vu comparaître devant elle les représentans de la plupart des industries, plaidant et concluant dans leur propre cause, armés d’argumens techniques, de prix de revient et de prix courans, étalant leur misère et déposant presque leur bilan, les uns pour démontrer que le projet de loi ne leur accorde pas une protection suffisante, les autres pour supplier que l’on se garde de modifier, par un dégrèvement quelconque, les tarifs établis. Il y a bien eu, dans ce concert de plaintes et de réclamations, quelques notes discordantes ; ainsi, fidèles à des traditions fondées sur les intérêts qu’elles représentent, les chambres de commerce de Lyon et de Bordeaux ont protesté par la voix de leurs délégués contre les tendances protectionnistes ; plusieurs industriels sont venus déclarer que le régime des droits de douane leur est plus nuisible qu’utile ; en dehors des rangs de l’industrie, il s’est rencontré des défenseurs de la liberté commerciale qui ont obtenu de la commission l’attention bienveillante qu’ils méritaient. L’enquête, il faut le reconnaître, a été aussi complète que possible, M. Jules Ferry et ses collègues ayant accueilli tous les intérêts, toutes les opinions qui désiraient se faire entendre ; mais on comprend aisément que, dans les enquêtes de cette nature, ce sont les intérêts qui se montrent les plus empressés, qui encombrent l’audience et qui parlent le plus haut. C’est ainsi que la commission a été le plus souvent condamnée à écouter des plaidoyers protectionnistes et que dans les procès-verbaux de l’enquête les demandes d’augmentation des tarifs tiennent la plus grande place.

Il en a été absolument de même, lors de l’enquête de 1860, devant le conseil supérieur du commerce qui fut chargé de fixer le taux des tarifs limités au maximum de 30 pour 100 par le traité anglo-français. La situation était alors beaucoup plus délicate, car on s’attaquait à la prohibition pour ouvrir le marché français à la concurrence des produits britanniques, tout en prenant les précautions nécessaires pour que cette concurrence, à ses débuts surtout, ne vînt pas écraser l’industrie nationale. Il y avait là un double problème à résoudre, et les rédacteurs des nouveaux tarifs se trouvaient nécessairement dans le plus sérieux embarras, puisque la statistique du passé prohibitif, statistique composée de zéros à la