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avec l’offre, c’est-à-dire à faire que les besoins de vente et les facultés d’achat se rencontrent dans des conditions qui leur soient respectivement profitables.

Indépendamment de cette cause générale de la crise, l’enquête du sénat a signalé le préjudice qu’ont éprouvé de grandes industries par suite de l’irrégularité des saisons. Pendant trois ans, l’hiver a été d’une clémence exceptionnelle, et les produits fabriqués à l’usage de cette saison n’ont point trouvé la quantité habituelle d’acheteurs. Il y a eu là, pour diverses branches de travail, une cause très sérieuse de pertes. Le législateur n’y peut rien, pas plus qu’il ne peut parer aux méventes qui résultent souvent des variations inattendues de la mode.

La métallurgie est certainement l’une des industries les plus atteintes. Une part de ses souffrances est due à la substitution du rail d’acier au rail de fer. Le rail d’acier a une durée beaucoup plus longue ; s’il a l’avantage de procurer une grande économie pour l’entretien des voies ferrées, son adoption a pour effet de diminuer dans des proportions très sensibles le travail des usines qui fabriquent les anciens rails, et de plus les rails usés que l’on remplace reviennent sur le marché et font concurrence aux fontes et aux fers bruts. L’acier détrône le fer ! C’est une véritable révolution, et l’on sait que toute révolution laisse après elle des victimes. Ce qui arrive pour la métallurgie se produit également pour d’autres industries moins importantes, et l’on n’a point à regretter ces incessantes manifestations du progrès. La crise qui s’ensuit échappe à l’action du législateur et demeure sans remède.

Il n’en serait pas de même de la surcharge d’impôts qui pèse sur la France depuis ses désastres. On l’évalue à 750 millions, et l’on fait remarquer en même temps que depuis vingt années l’Angleterre a pu opérer des réductions de droits pour une somme qui dépasse 700 millions. Cet argument a été invoqué dans l’enquête pour établir que la France, si lourdement surtaxée, ne serait plus en mesure de lutter avec l’Angleterre, si largement dégrevée. En examinant de près les chiffres au moyen desquels est présentée cette comparaison, il serait facile de montrer qu’une partie des taxes modifiées en sens contraire dans chacun des deux pays n’exerce pas d’influence directe sur le prix de revient des produits manufacturés, et que l’argument, très saisissant à première vue, n’a point toute l’importance qui lui est attribuée. Cette réserve faite, on ne saurait méconnaître que les impôts excessifs qui pèsent sur les producteurs et sur les consommateurs français ont dû aggraver le malaise qui date de 1875, et il convient de s’en préoccuper très sérieusement : mais il faut en même temps considérer