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attaqués, il fallait encore passer la rivière Saint-Charles avant de penser à investir la place. Toutes ces considérations n’échappaient pas à Wolf ; mais il comptait sur la bravoure de son armée et sur la puissance de son artillerie.

Le 31 juillet, les mouvemens des Anglais attirèrent Montcalm à la gauche. Tout y était prêt pour une vigoureuse résistance. Montcalm approuva toutes les dispositions de son admirable lieutenant et retourna au centre pour pouvoir se porter plus facilement aux points attaqués par l’ennemi.

Sur les quatre heures du soir, à marée basse, un corps composé de la brigade de Monkton et de douze cents grenadiers débarqua sous la protection du feu des vaisseaux, pendant que des pentes de l’Ange-Gardien descendait une colonne formée de deux brigades ; elle passa le gué et se réunit de l’autre côté de l’eau aux troupes de Monkton pour tenter avec celles-ci l’assaut des retranchemens. Un troisième corps, chargé de dessiner un mouvement tournant sur les positions françaises, remontait le Montmorency pour franchir la rivière au gué d’en haut.

Les deux premiers corps ne rencontrèrent pas de difficultés sérieuses dans les préliminaires de l’attaque. Les Anglais formaient leurs colonnes d’assaut et les lançaient sur le retranchement, tandis que les batteries faisaient pleuvoir sur les Canadiens et les réguliers de la ligne française une grêle de boulets et de bombes. Malgré ce feu d’enfer, ceux-ci attendirent froidement que l’ennemi atteignît le pied du coteau, à quelques verges seulement de leur ligne, pour les coucher en joue. Ce fut comme à Carillon. Le feu supérieur de nos retranchemens obligea les Anglais à la fuite.

La nuit s’approchait, le fleuve grossissait sous l’effort de la marée, la plage disparaissait peu à peu sous le flot, la position devenait critique ; l’armée anglaise avait perdu plus de six cents hommes ; elle était démoralisée. Une sortie des Français pouvait amener un désastre. Tout cela apparut à Wolf à la fois. Il profita d’un orage terrible qui éclata pour ordonner la retraite et l’effectuer à temps.

Wolf rentrait dans ses lignes, désespéré. Il était donc impossible de briser ce cercle de fer et de granit dont Montcalm s’était entouré. Wolf cherchait le défaut de la cuirasse. En vain les vaisseaux anglais remontaient sans cesse le fleuve, multipliant les reconnaissances, « devant les Anglais se dressaient partout le roc et l’épée de Montcalm. » Wolf, dévoré d’énergie, pliait sous la pression d’une anxieuse impuissance. Brisé par la maladie, miné par la fièvre, étendu sur son lit, Wolf, de sa tente, regardait l’implacable ligne des retranchemens. Il contemplait l’arête dure des falaises, où des taches jaunâtres, jetées çà et là, indiquaient les redoutes et la vigilance de Montcalm, Il cherchait une fissure et, ne la trouvant pas,