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à fait de cette façon que s’expriment Épictète et Marc-Aurèle. On trouve aussi chez lui, comme chez tous ses contemporains, des complaisances fâcheuses pour les devins et pour la magie. Il croit aux oracles, il redoute les sortilèges, il pense qu’avec certaines recettes on peut guérir les maladies et opérer des prodiges. Ce sont des concessions que ce sage, au fond si peu superstitieux, fait à l’esprit de son temps. Mais, malgré ces nuances de dévotion qui se mêlent à sa philosophie, on ne peut pas dire, je crois, que ses convictions religieuses l’aient seules entraîné à combattre les chrétiens. Il s’y joignait, comme on verra, d’autres sentimens, surtout des préoccupations patriotiques, et c’est ce mélange qui a donné à sa polémique un caractère si violent.

La polémique de Celse contre les chrétiens, si on la débarrasse de beaucoup de détails accessoires et de développemens parasites, se résume en deux argumens principaux. Il essaie d’établir que tout ce qui est bon et sage dans leur doctrine leur vient des Grecs, et que tout ce qui est nouveau ne vaut rien.

Le premier de ces deux argumens a pris, depuis Celse, une grande importance. C’est un de ceux dont se servent le plus volontiers aujourd’hui les adversaires du christianisme. Ils veulent établir qu’il a tout emprunté de ses devanciers, et fouillent avec une science et une sagacité merveilleuses les religions et les philosophies antiques pour y découvrir l’origine des idées chrétiennes. Celse est encore très loin de ces études approfondies, et il affirme ici beaucoup plus qu’il ne démontre. Quelques citations d’anciens philosophes lui suffisent pour déclarer « que les chrétiens n’ont presque rien dit de nouveau. » Il ne doute pas que leurs premiers apôtres n’eussent « une vague connaissance des livres de Platon, » et qu’ils n’en aient tiré ce qu’il y a de plus élevé dans leurs doctrines. Même leurs beaux préceptes sur le pardon des offenses et la charité, il ne veut pas leur en faire honneur, et croit les retrouver chez Platon et chez les hommes divins qui vivaient avant lui. La manière dont Origène réfute Celse sur ce point me paraît victorieuse. Il accorde, comme Minucius Félix, que les vérités développées par le christianisme ont été souvent entrevues par les anciens sages, mais il ajoute « qu’elles n’avaient pas chez eux la même force pour gagner les âmes et les bien disposer. » Il me semble que c’est la meilleure réponse qu’on ait faite à ceux qui partagent les idées de Celse.

Quand il s’agit de montrer que tout ce que les juifs et les chrétiens ont tiré d’eux-mêmes et imaginé tout seuls est ridicule, Celse triomphe. La Bible lui semble pleine d’absurdités. Comment admettre « que Dieu a de ses mains fabriqué un homme, qu’il a soufflé sur lui, tiré une femme d’une de ses côtes, qu’il leur a donné désordres contre lesquels un serpent s’est élevé, et que ce serpent à la fin a