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sollicitations de La Fare, qui remuait ciel et terre pour son jeune ami, on enveloppait celui-ci dans la disgrâce du garde des sceaux. On signifiait clairement à Montcalm qu’il fallait abandonner toute espérance.

Montcalm se sentit faiblir sous ce triple fardeau de tristesses patriotiques, d’angoisses amicales et d’inquiétudes personnelles ; il ne déserta pourtant point la lutte. Il reste, et c’est son grand mérite, jeune de cœur et entier de zèle dans ces ennuis de l’inaction où tant d’autres succombent. Au fond, sans doute, il trouve beau d’être enveloppé dans la disgrâce du ministre dont il s’honore de rester l’ami.

Au début de la guerre de la succession d’Autriche, il vit nettement sa situation. Pour lui, le but, c’était de sortir de l’obscurité. Il fallait donc trouver un emploi où, malgré le grade, on pût se distinguer. Montcalm quitta alors sa compagnie pour suivre en qualité d’aide de camp le marquis de La Fare, un des neuf lieutenans généraux envoyés en Bavière. L’état-major appréciait bientôt l’aptitude et les efforts du jeune officier enfiévré d’action qui menait la campagne avec la gaîté résolue de l’homme qui renaît à l’espérance en voyant la carrière s’ouvrir à nouveau devant son courage. Il vit Chevert à l’œuvre et servit à côté de lui. Ces deux caractères à la Bayard, l’aide de camp et le lieutenant-colonel du régiment de Beauce, furent bientôt amis. Montcalm n’eut point le bonheur de rester longtemps à côté d’un tel maître.

Nommé colonel du régiment d’Auxerrois-Infanterie, il partait aussitôt pour l’Italie. On lui donna tout d’abord une mission difficile : c’était le maintien des communications depuis Bayardo jusqu’à Andagna. Il avait peu d’hommes pour défendre cette ligne assez étendue et difficile à protéger dans le terrain montueux qui avoisine Gênes. Le colonel d’Auxerrois se maintenait avec une ténacité froide et une entente parfaite de cette guerre.

Avec son coup d’œil, son sens stratégique, il voyait clairement les fautes commises. Après la défaite de Plaisance, il écrit : « On va crier contre le maréchal. Je démontrerai… que nous remplissons les fautes de nos alliés qui sont nos maîtres. » La bataille avait été terrible, avec des reprises acharnées, des assauts furieux contre les travaux ennemis. Montcalm ralliait par deux fois son régiment débandé sous la pluie de fer vomie par les redoutes. Il le ramenait à l’attaque avec furie et entrait enfin dans le retranchement, quand une charge de la cavalerie autrichienne arrivant comme une avalanche jeta la déroute dans toute l’armée. Montcalm essayait de rassembler les débris d’Auxerrois et de faire tête, lorsqu’un Croate le renversa de cinq coups de sabre. Les Autrichiens le ramassèrent le lendemain, évanoui sur le champ de bataille.