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budget n’en reste pas moins la pierre philosophale. Ainsi, en 1833, les recettes étaient en chiffres ronds de 8 millions de drachmes, les dépenses de 13 millions ; en 1865, les recettes de 27 millions, les dépenses de 28 millions ; en 1877, les recettes de 39 millions, les dépenses de 41 millions. Ce déficit permanent ne provient pourtant pas d’une mauvaise gestion constante, ni de l’exagération des traitemens des fonctionnaires. Les ministres qui se succèdent si souvent ne peuvent faire table rase de la situation laissée par leurs prédécesseurs. Remplacez Sisyphe par le plus honnête homme du monde, celui-ci n’en aura pas moins son rocher à pousser. Pour les fonctionnaires de tout ordre, ils sont, même proportionnellement à la vie à bon marché qu’on mène en Grèce, infiniment moins payés que dans tout autre état de l’Europe. S’ils sont peu rétribués, en revanche, ils sont peut-être bien nombreux ! Mais il faut penser que les frais généraux pèsent infiniment plus sur un petit état que sur une grande nation. On ne peut pas exiger de la Grèce qu’elle ne fasse point de liste civile à son roi, qu’elle n’entretienne point une administration, un corps judiciaire, un personnel d’enseignement, une représentation à l’étranger. Quant à son armée, qu’on lui a si souvent reprochée et qui en effet lui coûte fort cher, surtout depuis trois ou quatre ans, la supprimer serait pour la Grèce renoncer à son existence de nation et au rôle qu’elle a à jouer en Orient. — Remarquons, par parenthèse, que c’est grâce à l’entrée des troupes grecques sur le territoire ottoman, au commencement de 1878, que les représentans du cabinet d’Athènes ont été admis à parler devant le congrès de Berlin.

Les déficits des budgets grecs ont aujourd’hui leur cause dans la dette écrasante de l’état, conséquence de la ruine du pays dès l’origine du royaume, de la mauvaise administration de la régence bavaroise, du blocus du Pirée en 1850, des disettes de 1851,52 et 53, des folies de la révolution de 1862, des secours donnés aux Crétois en 1867-68, du changement dans l’armement opéré ces dernières années, résultat enfin de la situation impossible faite à la Grèce parle traité de 1830 qui lui donnait les devoirs, les dépenses, les ambitions d’une nation avec les revenus d’une province. Si la Grèce à l’époque de son affranchissement avait eu seulement la moitié des ressources que lui ont créées, depuis qu’elle est libre, son commerce, son industrie, son agriculture, elle se trouverait aujourd’hui dans un état des plus prospères au point de vue économique. Mais on sait trop que la Grèce de 1830 n’était pas la Grèce de 1878 ! Les déficits successifs, comblés au moyen d’emprunts, ont porté la dette publique intérieure au chiffre de 76 millions de drachmes, sur lesquels l’état paie annuellement en intérêts et amortissemens 6,500,000 drachmes. L’état paie de plus pour la dette provisoire et la dette