un dessein plus noble que de s’attirer les applaudissemens et de satisfaire sa vanité. Chaque fois qu’il cite ainsi textuellement Cicéron, Sénèque ou quelque autre, il semble se retourner vers les détracteurs dédaigneux du christianisme et leur dire d’un air de triomphe : « Vous voyez bien que nous ne sommes pas des barbares ! Ces philosophes, dont vous êtes si fiers, nous pouvons invoquer aussi leur autorité. Loin de nous condamner, comme on le prétend, ils avaient pressenti nos croyances, ils étaient déjà chrétiens sans le savoir. Et vous aussi, vous pouvez le devenir sans vous mettre en contradiction avec eux, sans craindre qu’ils vous blâment, sans être forcés de renoncer à les lire et à les admirer. » Minucius pensait donc qu’entre la sagesse antique et la religion nouvelle il n’y avait qu’un malentendu, et il voulait le faire cesser. Le premier peut-être il a travaillé à unir ensemble les deux élémens qui forment notre société moderne. Ce n’est certes pas l’œuvre d’un rhéteur vulgaire, et l’on ne peut pas dire que « cet avocat en vacances, » comme l’appelle dédaigneusement M. Aubé, tentât une entreprise qui fut sans profit et sans grandeur.
Ce dessein se retrouve dans tout son ouvrage. — A côté des opinions qui étaient communes au christianisme et à la philosophie, il y en avait qui appartenaient au christianisme seul et qui devaient choquer ce grand monde auquel l’Octavius s’adressait. S’il ne peut pas tout à fait les taire, il en parle le moins possible. Du Christ lui-même il ne dit qu’un mot. Pour répondre à ceux qui croient que les chrétiens adorent un homme crucifié, il se contente de leur dire : « Vous êtes très loin de la vérité ; » et il ne leur donne pas d’autre explication. Nulle part il ne parle des dogmes, et il semble vouloir réduire le christianisme à n’être qu’une réforme morale. « S’abstenir de toute fraude, dit-il, c’est la meilleure des prières ; sauver son prochain d’un danger, c’est le plus efficace des sacrifices. Voilà les victimes, voilà le culte que nous offrons à Dieu. Chez nous, c’est le plus juste qui est le plus religieux. » Il triomphe du beau spectacle que présente au monde la société chrétienne, il montre en quelques phrases énergiques et précises pourquoi cette réforme morale l’emporte sur toutes celles qui avaient été tentées jusque-là dans les écoles philosophiques. On y a écrit de beaux ouvrages et prononcé de beaux discours, mais toute cette sagesse n’est pas entrée dans la pratique. « Nous autres, dit-il, nous ne nous contentons pas d’avoir un extérieur vertueux, nous portons la vertu dans nos cœurs ; nous ne disons pas de grands mots, nous les vivons, non grandia loquimur, sed vivimus. » Ainsi le christianisme a mis dans la vie ce que les philosophes avaient laissé dans leurs livres. « Il se glorifie d’avoir atteint ce qu’ils ont cherché avec tant de peine sans parvenir à le trouver. Est-ce une raison d’être