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du royaume. En plusieurs diocèses, les causes qui se rattachaient à la levée des décimes continuèrent d’être portées pendant longtemps aux tribunaux séculiers. Tel fut notamment le cas en Bretagne. Les difficultés étaient incessantes sur ces levées qui donnaient lieu aux réclamations journalières des bénéficiera, les uns se plaignant d’être surtaxés, les autres qu’on exigeât d’eux ce qui n’était pas dû. De là beaucoup de non-valeurs dans les levées, surtout au temps des guerres religieuses, alors que les bénéfîciers étaient souvent spoliés, les établissemens religieux saccagés, rançonnés par les soldats de l’un ou l’autre parti, que les ecclésiastiques étaient exposés à mille violences.

Les décimes devinrent à partir de la fin du XVIe siècle des impôts que le clergé acquittait régulièrement. On distingua deux sortes de décimes, 1° les décimes ordinaires auxquels étaient assujettis tous les bénéficiers ayant revenu certain, même ceux qui ne touchaient de l’église qu’une simple pension ; c’était cette catégorie de décimes que votaient avant tout les assemblées décennales ; 2° les décimes extraordinaires qui, accordés d’abord par exception, mais toujours en vertu d’un contrat, ne tardèrent pas à prendre le caractère d’impôt régulier comme les décimes ordinaires, parce qu’ayant reçu une affectation spéciale ils furent périodiquement réclamés ; mais on finit par les affecter au paiement des rentiers et aux gages des officiers du clergé, en sorte que le trésor royal n’en profita plus. Les véritables décimes extraordinaires furent ceux qui se levaient pour fournir aux subventions spéciales appelées dons gratuits et que les assemblées accordaient au roi, afin de lui permettre de faire face à des besoins particuliers ou imprévus. Les sommes pour lesquelles le clergé s’obligeait par les dons gratuits se payaient généralement en plusieurs termes. Malgré leur caractère exceptionnel, ces derniers décimes devinrent à leur tour des impôts ordinaires, comme les deux autres sortes de décimes, et au XVIIIe siècle, ils furent votés régulièrement de cinq en cinq ans à la réunion de chaque assemblée.

Une conséquence toute naturelle de l’autonomie fiscale qu’obtint le clergé fut le droit de faire lui-même le département des contributions qu’il s’imposait. Ce droit, qu’il n’exerçait qu’incomplètement dans le principe, devint pour lui absolu dès la fin du XVIe siècle. Le clergé garda les rôles de ces répartitions dont n’eut plus à connaître, comme elle l’avait fait d’abord, la chambre des comptes. On créa graduellement toute une armée de fonctionnaires financiers, chargés tant du département que de la perception des décimes. En tête se trouvait le receveur général du clergé ; au-dessous de lui étaient placés des receveurs diocésains, des contrôleurs, etc. L’état des recettes de chaque diocèse était centralisé chez le receveur général qui rendait, comme il a été dit plus haut, ses comptes à l’assemblée.