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clergé français le fut, en revanche, plus étroitement de la curie romaine.

On le voit, nos princes avaient dans l’assemblée générale du clergé un débiteur auquel il était difficile de faire souscrire des conditions nouvelles et qui, chatouilleux sur ses droits, en défendait le maintien avec persévérance. Le roi n’avait guère réussi dans le principe qu’a tirer du clergé quelques décimes, c’est-à-dire à imposer des taxes de tant pour cent sur le revenu des bénéfices. Encore, aux XIVe et XVe siècles, n’obtenait-il ces faibles sommes que par une bulle du pape, qui consentait à les laisser lever seulement parce qu’elles étaient réclamées pour assurer les moyens de favoriser la politique du saint-siège. J’ai déjà dit que l’autorisation du souverain pontife resta depuis toujours requise, s’il était question, pour fournir au roi des subsides plus immédiats et plus abondons, d’aliéner des biens ecclésiastiques. Notons que ces biens aliénés demeuraient, d’après la doctrine des canonistes, rachetables par le clergé, parce que l’église ne peut jamais se dépouiller de son patrimoine.

Les secours pécuniaires qu’on pouvait espérer du corps sacerdotal étaient donc tout d’abord fort précaires. Les papes toutefois permirent assez fréquemment, au XVIe siècle, les aliénations sollicitées par la couronne. On possède des bulles de Pie IV, Pie V, Grégoire XIII et Sixte V qui en accordent ; mais il est à remarquer que le motif qui faisait alors agir le pape était purement religieux ; il fallait combattre l’hérésie et défendre l’église. Le clergé français exigeait lui-même ces autorisations du saint-siège ; il ne se contentait pas d’une adhésion vague, de paroles favorables venues de Rome, il voulait que les termes des bulles fussent précis, formels ; il vérifiait celles-ci, dans les assemblées générales, afin d’en bien constater l’authenticité. A l’assemblée de Melun, qui fut, comme il a été dit plus haut, une constituante au petit pied, M. de Bellièvre, pour répondre aux objections que lui faisaient les députés, assez mal disposés à accueillir les demandes d’Henri III, rappela une certaine bulle de Boniface VIII, autorisant le roi de France, dans les cas d’extrême nécessité, à disposer des biens ecclésiastiques par des voies légitimes et en observant les formes usitées. Alors l’archevêque de Lyon répliqua que la bulle était supposée, et il l’établit par de savantes considérations ; il montra qu’elle était datée de la troisième année du pontificat de Boniface VIII, époque à laquelle ce pape n’aurait pu la donner en faveur de Philippe le Bel, avec lequel il était brouillé, et que ce qui achevait de trahir la main du faussaire, c’est qu’il y était parlé d’une treizième année du pontificat de Boniface VIII, qui n’avait régné qu’un peu moins de neuf ans. Mais,