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du premier ordre de la nation. Elles rédigèrent des cahiers, firent entendre des doléances comme l’avaient fait les états-généraux du royaume ; elles purent périodiquement présenter au monarque des plaintes sur les abus de l’administration royale dans ses rapports avec l’église, sur les mauvais choix dans les nominations aux bénéfices, sur les atteintes portées à la compétence des juridictions ecclésiastiques ou à l’intégrité du patrimoine de l’église. En un mot, les assemblées du clergé eurent le privilège, qui n’était accordé qu’à de longs intervalles aux députés de cet ordre, alors qu’ils siégeaient aux états-généraux, d’exposer au prince leurs griefs et leurs sujets de mécontentement, et de faire du redressement des torts par eux signalés une condition du concours pécuniaire de l’église. Dans ces assemblées périodiques, les représentans du premier ordre de la nation eurent même plus de liberté qu’ils n’en avaient eu souvent aux assemblées plénières du royaume. En effet, aux états-généraux, les députés du clergé subissaient forcément la pression des deux ordres qui siégeaient à côté d’eux ; il leur fallait, en bien des circonstances, se concerter avec la noblesse et le tiers, tandis que dans leurs assemblées particulières ils étaient seuls, n’avaient à s’occuper que des intérêts de l’église et pouvaient, pour ainsi parler, traiter en famille des affaires qu’ils n’aimaient point à exposer au grand jour de la nation. Néanmoins, dans les réunions des députés ecclésiastiques aux états-généraux comme dans les assemblées particulières du clergé, on retrouve le même esprit et la même préoccupation de ne point laisser toucher aux immunités de l’église. Les vœux exprimés par le premier ordre dans l’une et l’autre catégorie d’assemblées sont parfois presque identiques. Aux états de Blois de 1577, les députés du clergé, au nombre de quarante, tant cardinaux qu’évêques et autres ecclésiastiques, déclarèrent, dans un acte séparé, que le roi peut tirer secours du clergé pour la conservation de l’état et la défense de la religion, mais à la condition que la disposition du droit et les privilèges de l’église gallicane soient strictement observés et que le consentement universel du clergé intervienne sans fraude ni contrainte. Une déclaration fut faite à peu près dans les mêmes termes à l’assemblée du clergé tenue à Melun en 1579. Les députés qui s’y trouvaient mirent pour condition au vote des sommes demandées que le roi promit par lettres patentes qu’il ne serait fait dans la suite aucune levée sur le clergé, sinon pour cause légitime, laquelle serait proposée dans une assemblée générale et avec son consentement. Des déclarations analogues eurent lieu aux assemblées du clergé de 1581 et de 1586.

Cette attitude prise presque dès le début par les assemblées du clergé ne pouvait être agréable au roi, mais cela se passait sous