Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/765

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

D’ailleurs, si le clergé était dans la dépendance de l’autorité royale, il n’avait cependant pas pour chef suprême le roi de France ; son vrai souverain était le pape, dont même, sous le rapport temporel, il relevait beaucoup plus que de ce prince. Le saint-siège avait, comme nos monarques, ses grands besoins d’argent, et il ne se faisait pas faute d’en demander à l’église de France ; il levait sous diverses formes sur les bénéfices ecclésiastiques des impôts assez lourds, et ces contributions payées à Rome étaient aux yeux du clergé gallican un des motifs qui devaient le faire dispenser de concourir autant que les deux autres ordres de l’état aux charges publiques. Le clergé avait donc sans cesse à défendre ses biens contre la puissance laïque, et, pour les mettre à l’abri des entreprises de celle-ci, il les déclarait sacrés et inaliénables. Se voyait-il cependant contraint, pour satisfaire aux demandes pressantes du gouvernement séculier, de vendre quelques parties de son avoir, il déclarait ne le pouvoir faire qu’avec l’autorisation du pape, et il fallait une bulle pour que la moindre fraction de son bien fût aliénée.

Les rois et les grands feudataires rencontraient ainsi de nombreuses difficultés et de sérieux obstacles quand ils voulaient imposer le clergé, à plus forte raison lui enlever une parcelle de son patrimoine. Comme c’était ordinairement à l’occasion de guerres qu’ils demandaient ces contributions pécuniaires extraordinaires, ils ne manquaient pas de faire valoir l’intérêt supérieur de l’état ; ils représentaient la nécessité où ils étaient de se défendre contre un péril que l’église avait aussi à redouter ; ils paraissaient surtout fondés à exiger du clergé des subventions quand ces guerres étaient entreprises en vue de combattre les infidèles et les ennemis de la foi. C’est de la sorte que Philippe-Auguste imposa à tous ses sujets, même ecclésiastiques, cette dîme, dite saladine, qui était destinée à procurer des fonds pour entreprendre une nouvelle croisade. Pierre de Blois s’éleva avec énergie contre une telle prétention qu’il tenait pour contraire aux privilèges de l’église. Mais en d’autres circonstances le clergé se montra moins récalcitrant, et le pape autorisa plusieurs fois des levées sur les bénéfices ecclésiastiques, qui commencèrent à payer des décimes à l’époque des croisades. Ces impôts, ainsi nommés parce qu’ils consistaient dans le dixième des revenus, se renouvelèrent au XIIIe siècle, du consentement du clergé, à d’assez courts intervalles. De 1247 à 1274, l’église de France paya 21 décimes. En 1274, le pape Grégoire X permit à Philippe le Hardi de lever un décime pendant trois années consécutives. Cette concession s’explique par le fait qu’il s’agissait de pourvoir aux frais de la guerre contre don Pèdre d’Aragon, que le pape Martin IV avait déposé pour donner sa couronne à Charles de Valois ;