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payaient à leurs pasteurs et ils y ajoutèrent des avantages nouveaux. Cette situation à part et privilégiée, le clergé l’obtint aussi chez les peuples barbares qu’il avait convertis à l’Évangile. Sous les rois francs, l’église garda presque tous ses privilèges, et si, de temps à autre, elle eut à souffrir des exigences d’un prince, des exactions des hommes de guerre, si parfois elle se vit dépouillée, comme sous le gouvernement de Charles Martel, d’une partie de ses biens livrés aux officiers et aux soldats de ce maire du palais, elle n’en jouit pas moins sous la première race et le commencement de la seconde d’une foule d’immunités qui défendaient son patrimoine contre la convoitise des hommes puissans et les envahissemens fiscaux des représentans de l’autorité royale. Sans doute le clergé supporta une part des charges contributives imposées à la nation, mais ce fut presque toujours dans une proportion moindre que les sujets laïques, plus ménagé qu’il était par le pouvoir suzerain, qui redoutait ses anathèmes et subissait le joug de sa supériorité intellectuelle.

L’établissement du système féodal fut pour le clergé une nouvelle cause d’accroissement de richesse. La souveraineté s’étant confondue avec la propriété, les prélats, les abbés, les doyens des chapitres, les prévôts ou curés même devinrent des seigneurs temporels. Une foule de droits nouveaux, des services de différens genres, qui étaient nés de l’obligation féodale, augmentèrent la valeur de ses biens et en grossirent les revenus. Si, comme seigneurs terriens, les hommes d’église se virent plus exposés à des violences et à des dommages résultant des guerres incessantes que se faisaient les barons, ils acquirent en revanche une autorité politique et des ressources matérielles qui tournèrent tout à l’avantage de leurs propriétés. Comme vassaux, ils se trouvèrent, il est vrai, astreints à des obligations dont ils avaient été jusque-là affranchis, même au service militaire, mais en retour ils purent exiger pareils devoirs de leurs propres vassaux ; en sorte que les ministres de Dieu ne formèrent plus seulement le corps sacerdotal, ils devinrent une fraction de la caste nobiliaire, revêtue d’un caractère plus vénérable et qui, moins puissante que le reste de la noblesse par les armes matérielles, l’était davantage par la puissance intellectuelle et morale.

Quand nos rois, qui avaient déjà de temps en temps fait appel dans des cas de nécessité pressante à la richesse du clergé, commencèrent à recourir plus habituellement à des impôts extraordinaires, les revenus de leur domaine ne leur suffisant plus, ils s’adressèrent aux ecclésiastiques comme à leurs autres sujets, et ils y furent d’autant plus naturellement conduits que bon nombre