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POETES MODERNES DE LA FRANCE

M. VICTOR DE LAPRADE

Sainte-Beuve a écrit, je ne sais plus où, qu’il y a deux manières de revenir sur un sujet qu’on a déjà traité : se redire, ou se contredire. On sait combien ce rare esprit, aussi mobile que lumineux, a usé discrètement de la première méthode et largement de la seconde. Il y a, ce me semble, une autre manière encore, la meilleure des trois sans nul doute et la seule fructueuse, c’est de changer de point de vue. Sans vous redire, ni vous contredire, laissez telle œuvre dont vous avez parlé se faire une nouvelle place, apparaître dans un nouveau milieu (et ne suffit-il pas pour cela de quelques années de distance ?) vous y découvrirez certainement des aspects que vous ne soupçonniez pas.

C’est précisément ce que nous venons d’éprouver en relisant les poèmes de M. Victor de Laprade, dans la belle édition que publie en ce moment M. Alphonse Lemerre. Il y a déjà plus d’un quart de siècle que Gustave Planche examinait les premières œuvres de M. de Laprade avec une sympathie profonde et d’exigeantes sévérités. Au mois de septembre 1853, dans une étude générale sur la poésie française contemporaine, et trois ans plus tard, en des pages spécialement consacrées à l’auteur de Psyché, des Odes et Poèmes, des Poèmes évangéliques, des Symphonies, l’austère critique indiquait les qualités comme les défauts du poète au nom de sa philosophie de l’art, philosophie très haute, très impartiale, uniquement préoccupée d’une sorte d’enseignement public, mais par