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parlemens, à Munich, à Stuttgart, comme à Berlin. Le projet a prêté à bien des critiques, et il n’est point impossible qu’il ne soit tout au moins profondément remanié par la représentation fédérale à laquelle il est soumis.

Au fond, après avoir fait honneur à un vœu de l’empereur, M. de Bismarck n’est peut-être pas bien passionné pour son œuvre. Il n’en fera pas une grosse affaire, il ne paraît pas disposé à livrer une grande bataille pour la « loi muselière, » et si on ne lui accorde pas les moyens répressifs qu’il propose, — dans l’intérêt du régime parlementaire, — il saura les trouver à sa manière et pour son usage. Il se servira, pour faire la police des mauvais discours, de la loi qu’on lui a déjà donnée contre les propagandes socialistes, et au besoin il traitera sans façon les députés comme il l’a fait il y a quelque temps. M. de Bismarck est un habile réaliste qui n’est embarrassé de rien et sait s’accommoder de tout, même du libéralisme quand il peut s’en servir. Il s’agit seulement, selon les circonstances, d’ajouter à un peu de libéralisme beaucoup d’absolutisme. M. de Bismarck est d’avis que l’absolutisme est le fond de la politique. Il l’a dit, il l’a prouvé plus d’une fois. Il ne renoncera pas à ses idées dans la toute-puissance, dans l’éclat de sa position dominante de chancelier d’Allemagne, après les avoir audacieusement pratiquées lorsqu’il n’était encore qu’un ministre presque inconnu du royaume de Prusse, narguant son parlement, prêt à ouvrir l’ère de fer et de feu.

Un pays aux mœurs paisibles, au tempérament calme, la Hollande vient d’avoir ses émotions, des émotions sincères et sérieuses, quoique les incidens qui les ont provoquées ne touchent ni à la sécurité nationale ni à la régularité des institutions. L’autre jour, au moment où le roi des Pays-Bas venait de célébrer son second mariage avec une princesse de Waldeck-Pyrmont et se disposait à faire avec la nouvelle reine une entrée solennelle à La Haye, un prince populaire de la maison d’Orange, un frère du roi, le prince Henri, a été enlevé par une mort subite. Le prince Henri était connu hors des Pays-Bas pour ses lumières, pour son zèle intelligent en faveur des sciences géographiques ; en Hollande il était aimé et respecté pour son caractère et pour sa droiture, pour ses qualités solides. Il n’avait pas encore soixante ans. Il avait commencé sa première éducation dans la marine. Entré au service comme simple aspirant vers 1830, il avait consacré la plus grande partie de sa jeunesse à naviguer. Il avait pris part aux expéditions ou explorations des escadres hollandaises sur toutes les mers jusque vers 1848. Depuis plus d’un quart de siècle il avait été placé comme lieutenant du roi à la tête du grand-duché de Luxembourg, il a exercé ces fonctions jusqu’à sa mort. Il n’avait cependant jamais cessé de s’occuper de tout ce qui touchait aux intérêts maritimes, coloniaux, commerciaux de la Hollande. Toutes les entreprises utiles de cet ordre trouvaient en lui un