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républicain de vieille date, il doit aux fonctions de président des assemblées qu’il a longtemps exercées l’avantage d’être resté en dehors des luttes passionnées des partis. C’est dans toute la simplicité du mot un président civil après un président militaire. M. Jules Grévy est bien l’homme de la situation qui commence, de même que M. le maréchal de Mac-Mahon reste l’homme de la situation qui finit. Le pouvoir passe de l’un à l’autre sans trouble, sans contestation. Tout s’est accompli légalement, correctement, et nul doute que le pays ne trouve dans le caractère et la raison du nouveau président les garanties dont il a besoin contre toutes les aventures, contre des actes qui ne seraient que des abus de la victoire conduisant à d’inévitables réactions. Ce n’est pas la volonté du bien qui peut manquer. M. Jules Grévy, à la hauteur où il est désormais placé, aura sans effort, sous l’influence des grandes nécessités publiques qui parleront à son esprit, l’impartialité supérieure des vrais gouvernemens. Il restera le représentant de la France, non le représentant d’un parti : nous le croyons bien, nous l’espérons ; mais rien ne peut faire que cette crise, où disparaît la présidence de M. le maréchal de Mac-Mahon, où surgit la présidence de M. Grévy, ne soit pas le résultat d’un ensemble de circonstances de nature à peser sur le pouvoir nouveau comme sur le pouvoir d’hier ; rien ne peut empêcher que les derniers événemens, par les incohérences et les désordres qui les ont préparés, né soient dès aujourd’hui une épreuve des plus sérieuses pour les institutions nouvelles et peut-être le commencement d’un grand inconnu.

Le danger, la faiblesse de la situation nouvelle, c’est l’origine même, c’est ce qu’on pourrait appeler la génération morale et politique de ces complications qui sont venues tout changer en un instant. Que la question des grands commandemens militaires ait été la cause immédiate du conflit qui a déterminé la retraite de M. le maréchal de Mac-Mahon, qu’on n’ait pas pu s’accorder sur l’interprétation de la loi qui règle la durée de ces commandemens, sur le déplacement de quelques chefs supérieurs de l’armée, soit, c’est la vérité officielle ; mais évidemment Cette question des commandemens militaires qui par elle-même, avec un peu de temps et une certaine liberté d’esprit, n’avait rien d’insoluble, n’a été qu’un point particulier, une occasion, et, eût-on réussi à trouver pour le moment un palliatif, un expédient, on n’aurait pas été beaucoup plus avancé. C’était tout au plus une partie remise. Au fond, à part cet incident de la dernière heure, la vraie difficulté a éclaté au lendemain de ces élections sénatoriales qui étaient un succès pour le gouvernement, qui semblaient promettre désormais une marche plus régulière et plus aisée ; elle date du jour où s’est engagée sous nos yeux cette campagne étrange, confuse, bruyante, tendant à exagérer le sens du scrutin du 5 janvier et commençant par le