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LES
DERNIERS INCIDENS
DE LA
POLITIQUE ALLEMANDE

Un publiciste allemand écrivait il y a peu de jours : « Nous ne savons plus où nous allons, nous ne savons plus même si nous allons quelque part. » Ce mot est l’expression fidèle d’un sentiment fort répandu, paraît-il, parmi nos voisins d’outre-Rhin. Ils ne savent plus bien où ils vont, ils ne savent plus où on les mène. La crise économique qui sévit dans toute l’Europe a porté à l’Allemagne de cruelles atteintes ; elle souffre dans son industrie, dans son commerce, plus encore que d’autres pays. À ce mal qu’elle ne saurait sans injustice imputer tout entier aux fautes de son gouvernement, il s’en joint un autre dont elle le rend responsable. Elle ne voit plus clair dans son avenir politique, elle est en proie aux incertitudes, aux appréhensions ; elle se demande si les hommes qui président à ses destinées ont des plans bien arrêtés, s’ils ne sont pas eux-mêmes embarrassés, flottans, incertains. Le cheval avait une foi absolue dans l’habileté et la clairvoyance de son cavalier ; il se prend à douter de la main qui le conduit.

L’Allemagne a le précieux avantage de posséder un homme dirigeant, qui pendant bien des années lui a épargné la peine de s’occuper elle-même de ses affaires ; il se chargeait de penser, de prévoir, de vouloir pour elle. Avare de ses confidences, il ne l’initiait que de loin en loin à ses projets, il aimait mieux lui ménager des surprises, et il se