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étaient présentées à la signature des assistons. Le 6 février de l’an dernier eut lieu un grand meeting de femmes dans le salon Renz. Les hommes étaient expulsés impitoyablement. La salle était comble. Au bureau siégeait comme présidente Mme Hahn, qui avait précédemment fondé une association de femmes d’ouvriers dissoute par la police en 1875. A côté d’elle se trouvaient le député Most et le directeur de mission, docteur Wangemann, qui était venu défendre les idées des chrétiens sociaux. De grandes affiches rouges fixées au mur portaient : Massenaustritt aus der Landeskirche (Sortie en masse de l’église d’état). Un discours du député Most ouvrit la séance. Il se félicitait de voir la cause sociale embrassée par les femmes. Leur appui lui assurait l’avenir. « Les femmes, bien plus que les hommes, sont les esclaves et les victimes du capital. Comme on voit que la démocratie sociale fait des progrès auxquels rien ne résistera, les prédicateurs de la cour et autres ecclésiastiques se glissent dans nos rangs pour fonder un parti nouveau et pour diviser nos forces. Le meilleur moyen de mettre fin à ces manœuvres est de sortir en masse de l’église. » Mme Hahn prit ensuite la parole pour raconter toutes les infamies de la prêtraille (Pfaffenthum). « Ma religion, s’écria-t-elle, est le socialisme qui, seul, est la vérité, la moralité, la justice et la fraternité. A bas les prêtres de toute robe et de toute couleur ! La première réforme à accomplir, c’est de transformer toutes les églises en bonnes habitations ouvrières. » Le docteur Wangemann répondit que le christianisme avait relevé la femme. Dans le cours de sa mission, il avait pu constater que ce culte seul faisait de bons mariages et inspirait au mari le respect de sa compagne. Après qu’il eut développé ces idées, le député Most lui répondit : « Je ne nie pas l’effet favorable du christianisme sur les sauvages, c’est pourquoi j’engage beaucoup MM. les missionnaires et les prédicateurs de la cour à aller débiter leurs sermons aux Hottentots. Quant aux gens civilisés, ils ne peuvent leur apporter que beaucoup d’ennui. » La séance fut levée à minuit et demi. Les dames se retirèrent en chantant la « Marseillaise » d’Audorff.

Les journaux libéraux accueillirent la formation du parti social évangélique d’une façon presque aussi hostile que les feuilles démagogiques. « Nous aimons encore mieux, dit l’un d’eux, les socialistes en blouse que les socialistes en surplis. » Les journaux officieux et conservateurs au contraire louèrent fort la tentative. « Nous sommes heureux, écrivit la Norddeutsche allgemeine Zeitung, de voir des hommes éclairés, bons patriotes, dévoués à la monarchie, attaquer bravement et en face le mouvement athée et anarchique qui gagne chaque jour du terrain. C’est le tort des classes élevées de s’aveugler sur le danger. Qu’elles appuient les