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bagatelle une somme de 7,000 thalers, il est loin de condamner l’idée de Lassalle. « Si quelqu’un, disait-il dans la séance du parlement allemand du 17 septembre dernier, voulait tenter une grande entreprise de cette nature, il se peut bien qu’on eût besoin de 100 millions de thalers. Une telle chose ne me semble pas d’ailleurs complètement folle et absurde. Nous faisons au ministère de l’agriculture des essais sur les différens systèmes de culture. Nous en faisons aussi dans notre fabrication. Ne serait-il pas bon de renouveler de semblables essais à l’égard du travail de l’homme, et pour tenter de résoudre par l’amélioration du sort de l’ouvrier la question appelée démocratique-socialiste, que je nommerai plutôt la question sociale ? Le reproche que l’on pourrait me faire si je me suis arrêté dans cette voie, c’est tout au plus de n’avoir pas persisté jusqu’à un résultat satisfaisant ; mais le temps m’a manqué pour m’occuper de cela. La politique étrangère m’a complètement absorbé. Dès que j’en aurai le temps et l’occasion, je suis très décidé à renouveler ces tentatives que l’on me reproche et dont je me fais honneur. » Dans ce discours, il se défend d’avoir employé comme instrument de ses desseins certains agens socialistes, mais il reconnaît qu’il y a là un grand problème, le plus grand peut-être de notre temps, et il n’est pas éloigné d’accepter les idées de Rodbertus et de Lassalle. Dans un autre discours, il dit plus nettement encore que le rôle du roi, c’est-à-dire de l’état, est de relever les classes laborieuses. En 1865, il introduisit auprès du roi une députation des ouvriers de Wustegiersdorf, en Silésie, qui désiraient exposer eux-mêmes leurs doléances. Ayant été attaqué à ce propos, il répondit au sein du parlement prussien : « Messieurs, les rois de Prusse n’ont jamais été de préférence les rois des riches. Frédéric le Grand disait : Quand je serai roi, je serai le vrai roi des gueux. Il voulait dès lors se faire le protecteur des pauvres. Nos rois sont restés fidèles à ce principe. Ils ont provoqué l’émancipation, des serfs, ils ont créé une classe de paysans florissante. Peut-être aussi, — du moins est-ce pour eux l’objet de sérieux efforts, — réussiront-ils à contribuer à l’amélioration du sort des ouvriers. » Ces mots résument le programme du parti des socialistes chrétiens monarchiques, qui vient d’apparaître sur la scène avec un grand déploiement de doctrine et d’éloquence.

Les tendances socialistes de M. de Bismarck se sont encore révélées dans la question de la reprise de tous les chemins de fer par l’état. Les argumens invoqués pour justifier cette mesure peuvent s’appliquer à bien d’autres industries. La bonne exploitation d’un grand réseau de voies ferrées est une entreprise industrielle des plus compliquées. Il y faut des connaissances techniques pour l’entretien de la voie ainsi que pour le choix et la construction du matériel, des