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autre conclusion que Marx. Le seul moyen de sauver l’artisan et de reconstituer une classe où le capital et le travail se trouvent réunis est de rétablir des corporations créées par la loi et armées du monopole, comme au moyen âge. C’est aussi le point capital sur lequel se séparent les deux champions du socialisme catholique en France. Tous deux veulent la corporation de métier. Mais M. Perin maintient la liberté des professions, tandis que M. de Mun soutient qu’alors il n’y a point de réforme réelle ni de changement appréciable au régime actuel. Il est certain qu’à côté de ses inconvéniens la corporation offrait de réels avantages. Mais il ne faut pas croire qu’on puisse à volonté ressusciter le passé. La cause qui fait mourir les institutions les empêche de renaître. Si la corporation fabrique plus cher, la concurrence étrangère la tuera. Le seul moyen de lq faire vivre artificiellement serait d’y appliquer le régime de la régie des tabacs. Or, s’il fallait soumettre toutes les industries à ce corset de force, je doute qu’aucune nation s’y résignât. Lassalle, répondant à Gerlach, fait bien voir ce que ces rêves de restauration du passé ont de chimérique : « Étant donnée, dit-il, la force organique de la grande industrie, il est aussi impossible d’en arrêter l’essor que d’empêcher les ruisseaux de se jeter dans la rivière et de la constituer. Mais de même qu’on peut s’emparer de la force du courant afin d’en tirer parti, ainsi on peut se servir du développement même de la grande industrie pour refaire une classe moyenne de travailleurs capitalistes, comme au sein de la corporation, mais fondée sur d’autres bases. Il est conforme à la philosophie de l’histoire d’utiliser les forces résultant de l’évolution naturelle de la civilisation pour atteindre le but plutôt que d’essayer de les enrayer, ce qui serait d’ailleurs inutile. »

La nuance Gerlach était désignée sous le nom de Zunftreaction, « réaction corporative. » Deux écrivains très connus qui défendaient les mêmes idées générales, le professeur Huber et le conseiller de justice Wagener, se séparèrent de Gerlach sur ce point. S’il y a une question sociale, dit le professeur Huber, c’est parce que le salaire est trop souvent insuffisant. Pourquoi l’est-il ? Parce que, prétend-il, la baisse de prix des objets fabriqués, résultant de la diminution des frais de production, s’obtient toujours par la réduction des salaires. En fait, ceci n’est point exact. Pourquoi, ajoute Huber, ne pas arriver au même résultat par une diminution des profits ? Ce n’est point en raison d’une loi morale, rationnelle ou économique que l’une des parties qui concourent à la production de la richesse est toujours sacrifiée à l’autre. Il faudrait que la rémunération du travail fût fixée non par l’arbitraire, mais par l’équité. Or l’équité commande qu’après que le capital a touché l’intérêt et le travail son salaire, le surplus du profit soit partagé entre les